Les modes amiables de résolution des différends (MARD)
Deux options : la conciliation ou la médiation judiciaires
- Quels avantages à demander la désignation d'un conciliateur ou d'un médiateur ?
- Pour quelle raison demander l'homologation d'un accord transactionnel amiable ?
Choisir le mode amiable pour régler un litige
Lorsque le tribunal est saisi d’une instance (un procès), deux types de solution du litige sont possibles : une décision des juges ou un accord amiable entre demandeur et défendeur.
La Conciliation et la médiation sont deux modalités de solution amiable d’un litige.
Les parties d’une instance en cours au tribunal de commerce peuvent faire appel à l’une ou l’autre pour les accompagner dans la tentative de négocier ensemble un accord transactionnel qui mette fin au litige, avant une décision de justice.
Qu’est-ce qu’un mode de résolution amiable des litiges ?
La conciliation et la médiation consistent toutes les deux en un processus structuré, pouvant être mis en œuvre à tout moment entre des parties se trouvant dans une situation conflictuelle et qui sont volontaires pour s’engager dans cette voie, avec l’aide d’un tiers extérieur (le conciliateur ou le médiateur) par l’organisation d’échanges confidentiels pour trouver une solution négociée, dans le respect des intérêts des parties.
Les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance (art. 128 du code de procédure civile, ci-après « CPC »). Le juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, désigner une tierce personne afin de les entendre et confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose (art. 131-1 du CPC).
À quel moment demander une conciliation ou une médiation ?
La Conciliation ou la Médiation peuvent être demandées et mises en place à tout moment au cours de l’instance :
- Tout d’abord à l’occasion du placement de l’affaire devant la 18e chambre ; toutefois, il est nécessaire que les parties soient présentes ou représentées ;
- Lors des audiences de mises en état des chambres spécialisées ;
- Lors d’une audience de calendrier, d’une demande d’expertise, quand les délais s’annoncent longs et peuvent permettre aux parties d’en profiter pour tenter un règlement amiable sans perdre de temps ;
- Au cours de l’instruction de l’affaire ;
- Lors des audiences de référé ;
- Éventuellement post sentence, le juge pouvant trancher uniquement le point de droit principal et proposer aux parties de s’entendre sur les autres points (par exemple, le préjudice) par la suite.
Les atouts de ces modes alternatifs de règlement des litiges
- La rapidité : sa durée ne peut excéder trois mois, renouvelable une fois à la demande du conciliateur ou médiateur pour trois mois supplémentaires (art. 129-2 du CPC).
- La suspension des délais de prescription (art. 2238 du code civil).
- La confidentialité : qui permet une liberté de parole lors des échanges pour négocier.
D’une part, les constatations du conciliateur/médiateur et les déclarations des parties ne peuvent être invoquées ou produites sans leur accord dans la suite de la procédure ou dans le cadre d'une autre instance (art. 131-14 et 129-4 alinéa 2 du CPC) ; d’autre part, la conciliation / médiation évite aux parties un débat soumis à la publicité des audiences.
Cette confidentialité est un atout majeur de la conciliation / médiation lorsque le litige est susceptible de porter atteinte à la notoriété, la réputation, l'image d'un plaideur ou certains secrets des affaires. - Le contrôle du juge : la conciliation ne dessaisit pas le juge, elle se mène donc en parallèle de la procédure judiciaire. Elle se déroule sous le contrôle du juge chargé de l'affaire, qui peut y mettre fin à tout moment à la demande d’une partie ou à l’initiative du conciliateur, ou d’office lorsque le bon déroulement de la conciliation / médiation paraît compromis (art. 131-10 et 129-5 al. 2 du CPC).
En revanche le juge n'intervient pas sur les discussions des parties avec le conciliateur / médiateur. - Un fort taux de succès.
- Une réduction des coûts : le juge ou le conciliateur exercent à titre gratuit ; et, en cas de conciliation/médiation réussie, les parties évitent les coûts de la poursuite du procès.
- La pacification des conflits, la préservation ou la restauration de futures relations professionnelles.
- La disparition de l’aléa judiciaire grâce à une solution « choisie » par les parties, ce qui permet une meilleure exécution de l’accord auquel elles aboutissent.
- Le terme définitif du contentieux judiciaire lorsque la conciliation / médiation aboutit à la formalisation d'un accord transactionnel, conformément aux articles 2044 et suivants du code civil.
- La force exécutoire du protocole d’accord transactionnel après son homologation par le juge (ou directement par le greffe du tribunal depuis la réforme du 22/12/2022).
Qui sont les acteurs du mode de résolution amiable ?
Les parties d’une instance en cours (d’un procès), avec leurs avocats respectifs, accompagnées par un médiateur ou un conciliateur sont les acteurs du processus de résolution amiable d’un différend.
Les parties peuvent choisir soit un médiateur soit un conciliateur. Tous deux sont soumis aux mêmes règles déontologiques. Ils doivent être neutres, impartiaux et indépendants vis-à-vis des parties en présence et ils ont une obligation stricte de garder confidentielle toute information dont ils auront connaissance dans ce cadre.
La médiation est exercée par des professionnels indépendants extérieurs au tribunal, ayant suivi une formation spécifique (art. 131-1 et suivants du CPC). Une convention de médiation est signée entre les parties et le médiateur sur la base d’un devis préalable. Dans le cadre judiciaire, la médiation reste sous le contrôle du juge qui « peut prendre toutes les mesures qui lui semblent nécessaires » (art. 131-2 CPC). Par exemple, le juge peut être saisi par les parties d’une demande de renouvellement du délai consacré à la tentative de médiation ou d’une demande de changement de médiateur.
La conciliation peut être effectuée par tout juge (art. 21 du CPC). Cependant, au tribunal de commerce de Paris, un certain nombre de juges ont été spécifiquement formés à la conciliation par l’ENM (Ecole Nationale de la Magistrature) et peuvent être nommés afin d’accompagner un processus de conciliation des parties. Le juge désigné en qualité de conciliateur dans le cadre d’une instance n’a aucune fonction ou pouvoir de juge dans cette mission. En tant que conciliateur, il a le même type de mission (accompagner les parties en vue d’un accord amiable) et les mêmes obligations déontologiques qu’un médiateur. Le conciliateur mène cette mission à titre gratuit, la conciliation n’entraînant pas de frais judicaires supplémentaires à la charge des parties d’un procès.
Les trois profils de conciliateur du tribunal de commerce à Paris sont les suivants :
- Les juges conciliateurs nommés à cette fonction par le président du tribunal de commerce, après leur formation par l’ENM ; à ce titre, ils peuvent être désignés en qualité de conciliateur dans le cadre d’une instance ; il est précisé que le juge conciliateur est tenu à la confidentialité de la conciliation également vis-à-vis des autres juges du tribunal ;
- Les conciliateurs de justice qui sont d’anciens juges du tribunal de commerce ; ils ont été formés à la conciliation et ils ont été agréés en qualité de conciliateur de justice par la cour d’appel de Paris ;
- Le Juge Chargé d’Instruire l’Affaire dans le cadre d’une instance en cours, usant des pouvoirs qu’il tient des articles 21 et 863 du code de procédure civile ; il peut tenter de concilier lui-même les parties sans faire appel à un conciliateur ou à un médiateur ; ce qui implique que :
- Le juge reste tenu à l’application des principes directeurs du procès, sauf accord contraire des parties ;
- En cas d’échec, il devra se déporter, c’est-à-dire qu’un autre juge le remplacera pour la poursuite du procès ; pour cela il renverra les parties à l’audience de mise en état de la chambre du contentieux. Il devra aussi se déporter dans le cas où il ferait partie du délibéré des juges qui doivent rendre une décision sur l’affaire concernée.
Quels sont les principes fondamentaux appliqués ?
- Confidentialité de toute la conciliation/médiation et de tous les éléments versés par les parties dans ce cadre.
- Neutralité du conciliateur / médiateur, impartialité et indépendance vis-à-vis des parties.
- Processus amiable qui est une parenthèse juridique et une alternative à une décision de justice.
- Les parties peuvent être assistées par un avocat ; il est souhaitable qu’elles se présentent en personne et il est indispensable qu’elles disposent des pouvoirs leur permettant d’engager leurs entreprises.
- L'accord peut porter sur la soumission de tout ou partie du litige au conciliateur / médiateur.
- Les parties décident du périmètre et du contenu de leur accord amiable éventuel. Le conciliateur / médiateur n’est ni un conseiller, ni un décideur ; son rôle consiste à poser un cadre qui permette les échanges et à accompagner les parties et leurs conseils durant le processus de résolution amiable.
- La règle du contradictoire ne s’applique pas ; autrement dit, les apartés entre une des parties et le conciliateur / médiateur en l’absence de l’autre partie sont autorisés.
Pour quelles raisons demander l’homologation de l’accord transactionnel ?
Lorsque la conciliation ou la médiation judiciaire aboutit à la formalisation d'un accord transactionnel (au sens des articles 2044 et suivants du code civil) qui met un terme au contentieux judiciaire, son homologation par le tribunal lui confère force exécutoire.
Le jugement qui homologue l’accord transactionnel n’est pas confidentiel ; cependant le contenu de l’accord peut rester confidentiel.