48 chauffeurs de taxi c/ société UBER INTERNATIONAL et UBER France RG 2021 019 863 - jugement du 11 décembre 2023 (15ème chambre)
Mots-clés :
TRANSPORTS / Routier
CONCURRENCE / Concurrence déloyale
Sommaire :
Illicéité de l’application Uber - Réglementation relative à l’intermédiation entre des clients et des chauffeurs de VTC - Critères de la pratique dite de la « maraude électronique » définie et prohibée par la loi dite Thévenoud
48 personnes physiques, ayant une activité de chauffeurs de taxi, reprochent aux sociétés du groupe UBER d’avoir, par le biais de l’application «Uber », qui met en relation des chauffeurs de VTC et des utilisateurs, violé la réglementation relative à cette activité, édictée notamment par l’article L.3120-2 III 1er du code des transports ; ils font valoir que l’application se traduit pour les chauffeurs par de la « maraude électronique » et que cette pratique, prohibée par la loi, est une faute constitutive de concurrence déloyale.
UBER réplique que, si la localisation des véhicules est bien enregistrée sur la plateforme avant leur réservation, n’y figure pas la disponibilité et donc que la plateforme ne consiste pas en un système organisant de la « maraude électronique » ; elle ne conteste pas que le client, ayant ouvert son application peut voir sur l’écran d’accueil des véhicules se déplaçant autour de la localisation du client ; mais elle fait valoir que, pour autant, elle ne fournit pas, avant la commande, la disponibilité de celui qui va devenir le chauffeur du client.
L’affaire soulevait la question suivante :
Les 48 chauffeurs de taxi soutenaient que l’application UBER consiste bien en une organisation de la « maraude électronique » puisque, comme le montrait leur constat d’huissier de l’écran de la page d’accueil de l’application Uber, le client, en voyant le nuage de véhicules autour de son domicile, connaît, avant sa commande, le temps d’attente, c’est-à-dire sa disponibilité, et la localisation du chauffeur ; UBER répliquait que la cour d’appel de Paris, dans son arrêt rendu le 22 novembre 2016, suite à l’avis de l’Autorité de la concurrence du 22 décembre 2015, rendu après sa QPC du 22 mai 2015, a dit qu’était illicite le fait de donner avant la commande une information sur la disponibilité et la localisation ; or, l’écran de sa page d’accueil ne permet pas de connaître le temps d’attente de celui des véhicules, figurant sur le nuage de points, qui répondra à la commande.
Le tribunal a dit que, pour être qualifiée de « maraude électronique », pratique illicite en vertu des articles L.3120-2 III et L.3120-1 1er du code des transports, une application de mise en relation de chauffeurs et de clients doit donner à ceux-ci concomitamment une information sur la localisation des chauffeurs et la disponibilité du véhicule qui prendra la course, et ce avant la commande; mais que « ni le texte, ni les jurisprudences rapportées ne disposent d’une interdiction d’informer de la localisation de plusieurs véhicules sur un écran ce qui ne les rend pas individuellement disponibles avant la réservation. ».
En conséquence « les demandeurs échouant à rapporter la preuve que les informations sur la disponibilité et la localisation d’une voiture en particulier ont été transmises au client concomitamment, avant sa réservation préalable, le tribunal les a déboutés de leurs demandes pour violation de la réglementation du code des transports ayant entraîné une concurrence déloyale ».
Extrait de l’article L.3120-2 III du code des transports : « sont interdits aux personnes réalisant des prestations mentionnées à l’article L.3120-1 et aux intermédiaires auxquelles elles ont recours, notamment les centrales de réservation au sens de l’article L.3142-1…..
1° le fait d’informer un client, avant la réservation, …à la fois de la disponibilité et de la localisation d’un véhicule…quand il est situé sur la voie publique… ».