AETOS SECURITE PRIVEE c/ COMPLETEL, SFR FIBRE RG 2021 026 980 - Jugement du 4 décembre 2023 (9ème chambre)
Mots clés :
PREUVE / Manquement contractuel
Sommaire :
Suspension puis résiliation du contrat sur simple suspicion non confirmée par des preuves - Evaluation du préjudice de la victime d’une résiliation fautive.
Les faits
AETOS SECURITE PRIVEE, ci-après AETOS, est spécialisée dans le gardiennage et la protection. NC NUMERICABLE est un câblo-opérateur et fournisseur d’accès à Internet ; COMPLETEL propose des services de téléphonie, internet et data ; ces deux sociétés, filiales d’ALTICE France, ont fait appel à AETOS pour sécuriser plusieurs de leurs sites.
En 2014, NC NUMERICABLE et COMPLETEL, découvrant qu’une de leurs salariées, Mme X, obtenait des commissions de la part de prestataires (commissions refacturées par une société AXELOG sous forme de prestations d’«apport d’affaires» auxdits prestataires), suspendent tous liens commerciaux avec les partenaires supposés d’AXELOG et résilient les contrats en cours avec AETOS.
AETOS assigne alors COMPLETEL et SFR FIBRE, venant aux droits de NC NUMERICABLE, pour manquements contractuels, demandant réparation de son préjudice financier, des coûts de personnel et de l’atteinte portée à son image commerciale.
Prétentions
AETOS fait valoir que la suspension des contrats est une faute contractuelle et que la résiliation des contrats n’est pas motivée. Les défenderesses l’ont empêchée d’intervenir sur le site, n’ont réglé aucune facture et ne justifient aucunement la perte de confiance alléguée à l’appui des résiliations. AETOS demande réparation.
Les défenderesses, COMPLETEL et SFR FIBRE, estiment que la perte de confiance justifiait la résiliation immédiate des relations commerciales. En effet, elles avaient confié à AETOS la sécurisation de plusieurs sites vitaux et Mme X a été condamnée pour corruption, ainsi que la société AXELOG. Elles ajoutent qu’AETOS n’apporte aucune preuve de préjudice financier, que le lien de causalité entre les coûts de personnel et la résiliation des contrats n’est pas démontré et que l’atteinte à son image commerciale n’est corroborée par aucune pièce.
Décision du tribunal - motivation
Sur la résiliation du contrat :
Selon le tribunal, l’abus de confiance de la part d’AETOS n’est pas prouvé, car rien ne démontre les liens directs entre Mme X et AETOS ; la perte de confiance ne repose sur aucun fait établi. Les contrats ont été rompus sur la base de suspicions et non de faits établis. La résiliation des contrats par les défenderesses est donc fautive.
Sur les demandes de réparation d’AETOS :
- la perte de chiffre d’affaires, calculée par son expert-comptable : le tribunal constate la réalité de cette baisse, liée à la résiliation fautive, et donc le préjudice financier subi par AETOS ; il accorde des dommages-intérêts calculés sur la base du taux de marge de 40 % ;
- le préjudice lié aux coûts de personnel : le tribunal refuse, ce dommage étant déjà réparé par la condamnation qui précède ;
- l’atteinte portée à son image commerciale : faute de preuve, le tribunal déboute ;
- le temps passé à la gestion administrative liée aux manquements contractuels : là encore le tribunal déboute, aucune preuve du surcroît de travail allégué n’étant rapportée.