Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou (CRCA) c/ Messieurs B et H et Maître Legras de Grandcourt, liquidateur de GBH - RG 2022 022 262 – jugement du 30 novembre 2023 – 6ème chambre
Mots-clés :
IRRECEVABILITE – Prescription et forclusion
Sommaire :
Point de départ de la prescription de l’action du banquier en réparation pour fautes de gestion : au plus tard à la date de disponibilité des comptes annuels révélant ces fautes de gestion
Objet du litige :
La Sarl Groupe BH (GBH) a été créée par Messieurs B et H, tous deux cogérants, en vue de présenter un plan de continuation de la société de peinture et vitrerie Debuschère, placée en redressement judiciaire, ainsi que de sa holding Tahoé.
Un « Accord sur la renégociation des encours du groupe Debuschère dans le cadre d’un plan de continuation » a été signé le 18 mai 2010 avec la CRCA. Celle-ci s’est engagée à accorder à GBH un prêt de 3M€ à verser en 2 fois : 1,5 M€ en juillet 2010 et 2011, GBH s’engageant, pour sa part, à apporter immédiatement 1 M€ en compte courant chez Debuschère et devant lui apporter, grâce à des synergies, un chiffre d’affaires supplémentaire de 4,3 M€ entre 2010 et 2012.
Dès le plan de continuation homologué, la CRCA a versé à GBH la première tranche de 1,5 M€ du prêt et maintenu, comme prévu au plan, ses concours courants au groupe. Mais la hausse des besoins de trésorerie a détérioré la situation financière du groupe et, lorsque GBH a sollicité la CRCA pour obtenir le déblocage de la 2ème tranche, celle-ci a refusé.
Après des années de tensions, de difficultés financières et de combats judiciaires, GBH a été placée en liquidation judiciaire le 25 mai 2019, Maître Legras de Grandcourt étant nommé comme liquidateur.
Le 28 avril 2022, CRCA a assigné devant le tribunal de commerce de Paris, domicile de l’un des défendeurs, MM. B et H et le liquidateur de GBH en réparation du préjudice subi du fait de la déconfiture de GBH.
Demandes
Condamnation solidaire de MM. B et H au paiement de la somme de 7,55 M€ pour fautes de gestion ayant causé à CRCA un préjudice personnel
Opposabilité du jugement à Maître Legras de Grandcourt ès qualités.
Décision
Prescription de l’action
Moyens de la demanderesse
La CRCA fait valoir qu’elle a été trompée par MM. B et H, qui, pour obtenir d’elle un financement de 3 M€ au profit de GBH, ont assuré que GBH injecterait aussitôt la somme de 1 M€ en compte-courant chez Debuschère, alors qu’ils n’en avaient nulle intention et, de fait, ne l’ont pas fait, et que GBH ferait jouer des synergies afin de faire progresser de 4 M€ le chiffre d’affaires de la filiale reprise, ce qui n’a jamais eu lieu.
Le point de départ de la prescription de son action en réparation est le jour où elle a connu que ses créances étaient perdues, soit le 25 mai 2019, date du placement de GBH en liquidation judiciaire. Son action n’était donc pas prescrite lors de l’introduction de l’instance, le 28 avril 2022.
Motivation de la réponse du tribunal
Ces faits dommageables auraient pu être très rapidement identifiés par un banquier portant un regard normalement attentif sur les comptes de son client. En outre, la CRCA a eu à sa disposition le rapport en date du 18 juin 2012 du cabinet B Advisory, commandé par Messieurs B et H, qui aurait pu attirer son attention sur l’analyse des comptes du Groupe et le non-respect des engagements pris dans l’Accord de mai 2010.
En tout cas, le 30 juin 2013, date d'obtention des comptes sociaux et consolidés 2012 du groupe GBH, la CRCA disposait des éléments propres à lui faire prendre conscience du non-respect d’engagements considérés par elle comme déterminants.
Sur le fondement de l'article L 223-23 du Code de commerce (prescription triennale), l’action de la CRCA est prescrite depuis le 1er juillet 2016.