LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
1 quai de la Corse
75004 Paris
N°TVA :

ESOPP c/ HSBC & JPFL FILMS RG 2024005979 - ordonnance du 8 janvier 2025

Mots-clés :
GARANTIES / Garanties à première demande
COMPÉTENCE / Arbitrage - Référé

Sommaire :

Irrecevabilité d’une exception qui n’a pas été soulevée lors de la première audience - Compétence du juge étatique malgré une clause compromissoire (urgence et mesures provisoires ou conservatoires) – Loi du for pour les mesures conservatoires - Appel manifestement abusif d’une garantie à première demande (GAPD)

 

 

La société de droit français Esopp a conclu, fin 2021, avec la société de droit indien Jindal Poly Films un contrat pour l'achat par cette dernière d’une ligne de production de films d’emballage destinée à son usine indienne.

 

Un acompte de 15 % a été versé par Jindal et deux garanties bancaires à première demande (GAPD) de restitution d’acompte, expirant le 7 février 2024, ont été émises par la banque HSBC, sur instructions de la société Esopp au bénéfice de Jindal.

 

La société JPFL Films, qui, entretemps, était venue aux droits de Jindal, n’a cependant pas pris livraison du matériel commandé et prêt à être expédié selon les termes du contrat. Les relations entre les parties se sont détériorées de ce fait et la société JPFL a appelé les GAPD.

 

La société Esopp entendait faire valoir ses droits devant le tribunal arbitral de Singapour, selon la clause compromissoire, mais voulait s'assurer auparavant que les GAPD ne pourraient, dans l'attente de l'issue de ce litige, être exécutées.

 

C’est pourquoi elle saisissait, en février 2024, le juge des référés aux fins de voir interdire à HSBC d’honorer les garanties, ce que le juge ordonnait à titre provisoire, estimant l’appel abusif. Toutefois, les parties évoquant l’existence de pourparlers qu’elles avaient engagés entretemps, le juge renvoyait l’affaire à une audience ultérieure pour décision définitive.

 

Un protocole d’accord transactionnel était ainsi conclu entre elles en avril 2024, aux termes duquel Esopp s’engageait à rembourser l’acompte dès qu’elle aurait trouvé un acquéreur pour le matériel et au plus tard sous cinq mois, en contrepartie du renoncement de JPFL à appeler les GAPD, JPFL se réservant de demander la levée de l’interdiction provisoire de paiement en cas de défaillance d’Esopp.

 

Esopp n’a pas tenu cet engagement de rembourser l’acompte.

 

Lors de la dernière audience, à laquelle l’affaire avait été renvoyée après plusieurs renvois successifs, Esopp soutenait que l’interdiction de payer devait être maintenue, l’appel étant abusif. 

Et, en défense, JPLF :

  • soulevait une double exception d’incompétence,
  • soutenait subsidiairement que la loi française était inapplicable,
  • et que les conditions des articles 872 et 873 CPC n’étaient pas remplies.

 

  1. Sur la compétence

 

JPLF soutient que les tribunaux compétents sont les tribunaux indiens, au motif que c’est ce que prévoient les GAPD. Cette exception est jugée irrecevable car elle n’avait pas été soulevée lors des audiences précédentes.

 

Elle soutient, par ailleurs, l’incompétence d’une juridiction d’Etat au motif que le contrat entre Esopp et Jindal contient une clause compromissoire et que seul le tribunal arbitral est donc compétent.

Le juge des référés rappelle cependant que l’article 1449 CPC dispose que « L'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire. », et que l’article se poursuit en précisant que le juge statue sur les mesures provisoires ou conservatoires en cas d’urgence.

Il constate que le tribunal arbitral n’est pas constitué et que les éléments présentés sont suffisants pour caractériser l’urgence de la demande de la société Esopp au jour où il statue. Il se dit donc compétent.

 

  1. Sur la loi applicable

 

JPFL rappelle que les GAPD prévoient expressément l’application de la loi indienne.

Le juge des référés rappelle un principe selon lequel la loi du for, en espèce la loi française, est applicable à la détermination des mesures provisoires et conservatoires que le juge peut ordonner.

 

  1. Sur les conditions du référé

 

Le juge des référés constate que l’urgence, caractérisée ci-dessus, justifie l’application de l’article 872 CPC.

 

  1. Sur l’interdiction de payer

 

Le juge des référés :

 

  • retient, avec l’évidence requise en matière de référés, que la société Esopp ne peut sérieusement soutenir le caractère manifestement frauduleux ou abusif de l’appel des GAPD, alors même que, postérieurement à l’interdiction provisoire qui avait été ordonnée, Esopp s’était engagée à rembourser l’acompte et n’a pas tenu son engagement ;

 

  • ordonne la levée de l’interdiction et autorise HSBC à procéder au paiement de ces sommes à JPFL ;

 

  • condamne Esopp, à titre provisionnel, à rembourser à HSBC toutes sommes réglées en exécution des garanties.
Top
Chers utilisateurs, ce site stocke les cookies sur votre ordinateur.
Ils ont pour but d'améliorer l’expérience de votre site Web, tout en vous fournissant des services plus personnalisés. Les cookies sont également utilisés pour la personnalisation des publicités. Si vous souhaitez plus d’informations sur les cookies que nous utilisons, veuillez consulter notre Politique de confidentialité. En acceptant les cookies, vous consentez à leur utilisation. Vous pouvez également paramétrer ces derniers. Si vous refusez, vos informations ne seront pas suivies, au moment de visiter ce site. Un seul cookie sera utilisé dans votre navigateur pour mémoriser votre préférence de ne pas être suivi.
Paramètres cookies