FIRST c/ METRO FRANCE RG 2019002558 - jugement du 3 juin 2024 (13ème chambre)
Mots-clés :
RUPTURE BRUTALE / Degré de dépendance / Relation commerciale établie / Durée du préavis
Sommaire :
La société FIRST estime avoir subi de la part de société METRO des pratiques répréhensibles au sens des articles L442-6,1,1° et L442-6,1,5° du code de commerce, ce qu’elle ne démontre pas
La société FIRST a pour activité la fabrication de produits de consommation et d'emballages à usage unique. Elle a développé une gamme de produits écologiques et un concept d'emballages « Street Food ».
La société METRO FRANCE (METRO) exerce en France une activité de distribution de gros de produits à dominante alimentaire, à destination des professionnels.
La société FIRST est entrée en relation avec la société METRO en 2014. Chaque année depuis 2014, les parties ont signé un contrat-cadre portant sur la fourniture de produits prévoyant des conditions de livraison précises et un taux de service calculé mensuellement s'analysant comme le rapport entre le livré, la date convenue et le commandé.
La société FIRST dit avoir constaté en 2017 une diminution importante des commandes de la société METRO. Elle lui reproche d'avoir cessé progressivement ses approvisionnements sur ses produits leaders, sans lui adresser, ni lettre de rupture, ni préavis écrit.
Par courriel du 1er mars 2018, la société METRO a notifié à la société FIRST la cessation totale de leurs relations commerciales à effet du 30 septembre 2018, soit à l'issue d'un préavis de 7 mois.
La société FIRST fait grief à la société METRO de l'avoir soumise à un déséquilibre significatif, d'avoir proféré des menaces de rupture des relations commerciales, d'avoir rompu brutalement la relation, de s'être rendue coupable d'un abus de position dominante et d'un abus de dépendance économique, ce que conteste la société METRO.
Sur la position dominante et le déséquilibre significatif
Le tribunal considère que la position dominante de la société METRO n'était pas caractérisée, et qu’il n'y a donc lieu d'examiner les faits qui établiraient l'exploitation prétendument abusive qui aurait été tirée d'une telle situation. Il relève que la société FIRST affirme, mais ne démontre pas, se trouver en situation de dépendance économique, c'est-à-dire ne disposer d'aucune solution équivalente d'écoulement de ses produits.
La société FIRST reproche aussi à la société METRO de lui avoir imposé ses conditions d'achat sans possibilité de négociation, de sorte qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de discuter le contenu du contrat-cadre, qui était un modèle type, qu'elle n'a eu d'autre choix que de signer.
Le tribunal rappelle que le déséquilibre significatif nécessite la démonstration cumulative par celui qui l'invoque de plusieurs conditions, à savoir un rapport de force déséquilibré, l'existence de menaces ou de moyens de pression en cours de négociation, voire l'absence de négociation effective, caractérisant une soumission du partenaire, enfin des manœuvres ayant pour but l'obtention de conditions manifestement abusives.
Or, la société METRO justifie avoir transmis ses projets de contrats-cadres à la société FIRST en amont de la date butoir du 1er mars, afin de permettre une négociation de ses contrats et a rappelé dans ses échanges la possibilité de les modifier.
La caractérisation d'un déséquilibre significatif suppose, de la part de celui qui invoque ce grief, la preuve de l'absence d'une négociation effective, ce qui n'est pas rapporté.
La société FIRST affirme qu'en négociant en cours de contrat des remises sur les conditions tarifaires de certains produits, la société METRO aurait obtenu des avantages sans contrepartie à ses dépens. Elle prétend par ailleurs sans le démontrer que ces renégociations tarifaires visaient à maintenir ou accroître abusivement les marges de la société METRO et auraient été accompagnées de menaces de déréférencement.
Le tribunal retient que la société FIRST échoue à démontrer les pratiques prohibées au sens de l'article L442-6-1° du code de commerce qu'elle impute à la société METRO.
Sur le préavis
Le tribunal constate, à la lecture des échanges de courriels entre les parties, que la société METRO a veillé à ne pas détériorer la relation commerciale avec la société FIRST, en accordant à son partenaire des préavis, à tout le moins pour certains déréférencements. Il fait remarquer qu’il est indiscutable qu'un distributeur est en droit d'adapter aux attentes et besoins de ses clients la nature des articles qu'il commande à un fournisseur.
Le tribunal retient que, si l'appréciation du caractère suffisant du préavis doit se faire notamment au regard de l'ancienneté de la relation, ce critère ne doit pas être appliqué automatiquement comme un barème, mais doit être pondéré de différents autres critères d'appréciation et, en particulier, de la substituabilité du marché sur lequel opère la victime de la rupture, de l'emprise du chiffre d'affaires de l'auteur sur celui de la victime ainsi que des accords et usages professionnels. Il note que la société FIRST était en capacité de se diversifier et de trouver d'autres débouchés et distributeurs, que le taux d'emprise de la société METRO dans le chiffre d'affaires de la société FIRST était inférieur à 10 %, donc faible, et que le marché de la distribution d'emballage écologique est relativement substituable.
Il s’ensuit pour le tribunal que la rupture n’a aucun caractère de brutalité et que le préavis accordé, de sept mois, est plus que raisonnable, alors que la société FIRST réclamait un préavis de douze mois.
Par ailleurs, le préavis de sept mois, notifié à la société FIRST pour la cessation totale de leurs relations commerciales établies, d’une durée de 4 ans, a été effectif et exécuté.
En conséquence, la société FIRST est déboutée de toutes ses demandes.