LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
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LACTALIS vs EUROFINS RG 2023072786 – jugement du 2 juillet 2024 - 1re chambre

Mots-clés :
IRRECEVABILITE / Prescription et forclusion

Sommaire

Point de départ du délai de prescription – Interruption du délai par l’introduction d’une demande en justice (même en référé)  

En décembre 2017, LACTALIS s’était vu notifier plus de 20 cas de nourrissons atteints de salmonellose, ayant pour origine, selon la notification, du lait maternisé produit par LACTALIS.

A la suite de cette notification, d’un arrêté préfectoral et d’un arrêté ministériel, LACTALIS rappelait de nombreux lots de poudre de lait infantile et suspendait l’activité de son site de Craon.

Dès avril 2018, cinq sociétés du groupe LACTALIS assignaient en référé les deux sociétés EUROFINS qui étaient en charge de l’analyse microbiologique de la production de LACTALIS, et qu’elles soupçonnaient de défaillance dans leur mission. Elles obtenaient du président de ce tribunal la désignation d’un expert au visa de l’article 145 CPC, afin de déterminer les responsabilités encourues et de fournir les éléments nécessaires à l’évaluation des préjudices. Cette expertise était toujours en cours en 2024.

Puis, en novembre 2022, onze autres sociétés du groupe LACTALIS, en charge de la commercialisation des produits, assignaient également les deux sociétés EUROFINS et leurs assureurs en référé et obtenaient du président de ce tribunal que les opérations d’expertise ci-dessus leur soient rendues communes et opposables. L’ordonnance était infirmée quelques mois plus tard par la cour d’appel de Paris, qui rejetait les demandes.

C’est pourquoi ces onze sociétés assignent au fond, le 5 décembre 2023, les deux sociétés EUROFINS et leurs assureurs pour solliciter cette même expertise au visa des articles 143 et 144 CPC, demandant la désignation du même expert que dans l’expertise ci-dessus.

Les défenderesses soulèvent l’irrecevabilité des demanderesses pour prescription. 

Demanderesses et défenderesses s’opposent à la fois sur le point de départ du délai de prescription et sur son éventuelle interruption.

  1. Sur le point de départ de la prescription

    Les défenderesses font valoir que le point de départ de la prescription est la date du dommage à l’origine du présent litige. Elles ajoutent que, même à supposer que les demanderesses n’aient pas eu connaissance du dommage le jour même où il s’était produit, elles en avaient nécessairement eu connaissance lors de la conférence de presse du 12 janvier 2018. L’action était donc prescrite depuis le 12 janvier 2023.
    Les demanderesses soutiennent, à l’inverse, qu’elles ne peuvent connaître leur droit d’agir tant que le rapport d’expertise n’aura pas identifié les responsabilités.

    Le tribunal rappelle, tout d’abord, le texte de l’article 2224 du code civil, qui fixe le point de départ de la prescription au « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Il relève que les faits permettant d’exercer l’action en responsabilité contre EUROFINS sont la contamination de la poudre de lait et les défaillances des tests réalisés par EUROFINS, qui ont échoué à détecter la présence des salmonelles.

    Le tribunal relève encore que les demanderesses avaient connaissance de ces faits au plus tard le 1er février 2018, date de l’interview du PDG de LACTALIS mettant en doute la fiabilité des tests réalisés par EUROFINS.

    Le tribunal retient donc comme point de départ du délai de prescription la date du 1er février 2018, la prescription s’achevant cinq ans plus tard.

  2. Sur l’interruption de la prescription

    Les demanderesses soutiennent que la prescription a été interrompue par l’instance en référé qu’elles ont introduite le 28 février 2022, avant l’expiration du délai de prescription.
    Les défenderesses font valoir, à l’inverse, que l’interruption en question n’a pas eu lieu, conformément à l’article 2243 du code civil, puisque la demande dans cette instance a été définitivement rejetée.
    Ce à quoi s’opposent les demanderesses au motif que, selon elles, la demande n’a pas été définitivement rejetée puisque la possibilité de se pourvoir en cassation est encore ouverte, l’arrêt d’appel ne leur ayant pas été signifié.

    C’est donc sur le sens du terme « définitivement » rejetée que le tribunal a dû se prononcer :

    • distinguant le rejet définitif, une fois épuisées les voies de recours ordinaires, du rejet irrévocable lorsque le sont également les voies de recours extraordinaires, dont le pourvoi en cassation (cf. arrêt ci-dessous),
    • le tribunal retient que, la cour d’appel ayant rejeté les demandes qui avaient été formées dans l’instance introduite le 28 novembre 2022, ces demandes avaient été définitivement rejetées, peu important que le pourvoi en cassation restât possible, et qu’en conséquence l’interruption était non avenue.

    De ce fait, l’action des demanderesses était prescrite depuis le 1er février 2023, compte tenu du point de départ de la prescription déterminé ci-dessus. Introduite en décembre 2023, l’action est donc irrecevable.

    Cass. civ. 3, 4 mai 2016, 15-14892
    « …une décision définitive s’entend d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée »
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