M. B vs LFPI et divers RG 2024002314 - jugement du 18/10/2024 – 16ème chambre
Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES / Annulation de décisions sociales – Pactes d’associés
Sommaire :
Modifications statutaires sans accord préalable du conseil de surveillance requis par les statuts : annulation – Composition du conseil de surveillance organisée par le pacte d’associés.
A la suite de l’acquisition d’une partie de son groupe familial par LFPI, via la SAS A, M. B était devenu actionnaire de A, à hauteur de 7%.
Aux termes de ses statuts, la société A était dotée d’un conseil de surveillance, qui devait autoriser au préalable toute décision importante. Ce conseil de surveillance de quatre membres devait comprendre un membre proposé par M. B (le « membre B »).
Le pacte d’associés précisait que le premier « membre B » serait M. B lui-même et que celui-ci serait président du conseil de surveillance. Les modalités de son remplacement éventuel y étaient également définies.
Au cours des années suivantes, de nombreux litiges opposaient LFPI et M. B, à l’origine de plusieurs procédures judiciaires entre eux et, à l’été 2023, M. B démissionnait de ses fonctions au conseil de surveillance, proposant M. C pour le remplacer.
La proposition était rejetée par LFPI, au motif que M. C était l’avocat de M. B dans les litiges l’opposant à la société A et M. B était invité à faire une autre proposition, ce à quoi il se refusait.
Le conseil de surveillance ne pouvant plus se tenir, faute de composition conforme aux statuts, une assemblée générale de la société A modifiait les statuts en décembre 2023 pour permettre au conseil de surveillance de se tenir en formation réduite.
C’est pourquoi M. B saisissait le tribunal aux fins d’annulation des résolutions concernées et afin de faire nommer M. C comme « membre B » du conseil de surveillance.
Sur la nullité des résolutions ayant modifié les statuts
Le tribunal :
- rappelle que les modifications statutaires ne peuvent, selon les statuts de A, être soumises à l’assemblée générale qu’après avoir recueilli l’accord à la majorité qualifiée du conseil de surveillance (c’est-à-dire incluant le vote favorable du « membre B »),
- reconnaît que les statuts font toutefois exception pour les modifications « d’ordre technique résultant d’autres décisions adoptées valablement par le conseil de surveillance ou par la collectivité des associés… »,
- relève que les modifications adoptées par l’assemblée générale du 19 décembre 2023 ne consistaient pas en une simple modification d’ordre technique, comme l’affirment les défenderesses, puisqu’elles visaient à modifier la composition du conseil de surveillance en remettant en cause l’équilibre recherché dans sa composition,
- constate que les résolutions concernées « ont été mises à l’ordre du jour de l’assemblée sans avoir été soumises à l’approbation du conseil de surveillance »,
- en déduit qu’elles ont ainsi été adoptées en violation des statuts, qu’elles n’auraient pu l’être si les statuts avaient été respectés puisqu’elles ne pouvaient figurer à l’ordre du jour en raison de l’impossibilité de réunir un conseil de surveillance tant que la succession de M. B comme membre n’aurait pas été réglée,
- et, les défenderesses ne faisant valoir aucun argument sur les conséquences qu’entraînerait la nullité, il prononce la nullité des résolutions litigieuses.
Sur la nomination de M. C comme successeur de M. B
M. B faisait valoir que l’actionnaire majoritaire ne pouvait refuser la nomination de M. C au conseil de surveillance, sans aucun motif légitime, alors que le conseil devait statutairement comprendre un membre proposé par M. B.
Le tribunal :
- rappelle que, si le pacte d’associés prévoit effectivement l’accord préalable de LFPI, actionnaire majoritaire, à la désignation d’un « membre B », « les associés LFPI s’engagent à ne pas refuser leur accord sans motif légitime »,
- relève ensuite que M. C est le conseil de M. B dans les litiges l’opposant à LFPI, ce dont les défenderesses justifient par la communication de plusieurs correspondances,
- ajoute que « les défenderesses sont dès lors légitimes à douter de l’exercice par M. C d’un mandat dans l’intérêt social plutôt que dans l’intérêt personnel de M. B »,
- et conclut que les défenderesses étaient fondées à rejeter sa candidature pour motif légitime.