M. C. et 10 autres associés c/ M. B RG 2023008055 - jugement du 15 décembre 2023 (16ème chambre)
Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES / Dirigeants sociaux – Pactes d’associés - Cession de droits sociaux
Sommaire :
Pacte d’associés : engagement de l’associé quittant la société de céder ses actions aux autres associés qui lèveraient l’option, aux conditions du pacte.
La SAS X a été créée en 2020. M. B., associé fondateur, était membre du conseil de surveillance, directeur général. Selon les statuts sociaux, les personnes occupant ces postes sont révocables ad nutum par décision collective des associés. En mars 2022, a lieu une augmentation de capital et un pacte d’associés est conclu, comportant une clause de « claw back » qui prévoit l’engagement irrévocable de cession de ses actions par le partant au profit de la société ou d’autres signataires qui lèveraient l’option, à des conditions déterminées. En décembre 2022, M. B. est révoqué de ses fonctions. Certains associés signataires du pacte, M. C. et les 10 autres demandeurs, lèvent l’option.
Parallèlement à une action devant le conseil de prud’hommes car il se prétend salarié, M. B. refuse de signer les ordres de mouvement des actions ayant fait l’objet des levées d’option d’achat. Les auteurs de celles-ci assignent M. B. pour faire constater les cessions.
- M. B. expose que le pacte d’associés lui est inopposable car rédigé en anglais : il invoque l’article L. 1321-6 du code du travail qui dispose que « le règlement intérieur est rédigé en français », comme tout document comportant des obligations pour les salariés. Le tribunal écarte le moyen : c’est en tant qu’associé que M. B. a conclu le pacte et non en tant que salarié.
- M. B. oppose la nullité de la clause de « claw back » du pacte d’associés : elle porterait atteinte au droit de propriété, serait potestative, entraînerait une cession à vil prix. Selon le tribunal, le fait de disposer par avance de ses actions par voie contractuelle est la simple mise en œuvre d’un attribut du droit de propriété, la promesse de cession est donc valide. La réalisation de la condition de la cession ne dépend pas de la seule volonté du débiteur, M. B., la clause n’est donc pas potestative. Et le prix de cession, égal au coût moyen d’acquisition des actions cédées, n’est pas dérisoire.
- M. B. prétend ensuite que la clause de « claw back » constitue une sanction pécuniaire illicite au titre de l’article L.1331-2 du code du travail. Le tribunal écarte le moyen : M. B. a agi en tant qu’associé et non comme salarié.
- M. B. invoque la nullité des décisions d’achat des demandeurs, celles-ci faisant suite à une renonciation de la société X à exercer l’option d’achat de ses propres actions, en violation des statuts. Selon le tribunal, les statuts ne s’appliquent pas en l’espèce : la renonciation par la société X à exercer l’option d’achat ne s’inscrit ni dans une opération de « rachat d’actions », telle que figurant aux statuts, ni dans une opération de « remboursement ou rachat d’actions », telle que mentionnée au pacte d’associés : il écarte le moyen.
- Subsidiairement, M. B. prétend que la clause de « claw back » a été exercée de mauvaise foi : selon lui, le seul motif de sa révocation, intervenue en assemblée générale en décembre 2022, était en réalité, pour les demandeurs, de s’approprier ses actions à faible prix. Selon le tribunal, les décisions de révocation de M. B ont été prises par décisions collectives des associés et non par les demandeurs ; en outre, M. B. n’indique pas quels demandeurs se seraient livrés à une telle exécution de mauvaise foi de la clause, en décidant sa révocation.
- Plus subsidiairement, M. B. prétend que la clause de « claw back » est une clause pénale, dont le montant excessif doit être réduit. Selon le tribunal, en l’espèce, la clause de prix de la promesse de vente n’est pas un moyen de le contraindre à exécuter ses engagements, ni une évaluation forfaitaire du préjudice résultant d’une absence d’exécution. La clause de « claw back » n’est donc pas une clause pénale, il n’y a lieu de réviser le prix de cession.
Le tribunal constate toutes les cessions et les dit valides.