LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
1 quai de la Corse
75004 Paris
N°TVA :

M. X c/ M. Y et société A RG 2022 041 833 - jugement avant dire droit du 19 novembre 2024 (1ère chambre)

Mots-clés :
IRRECEVABILITE / défaut d’intérêt ou de qualité à agir
DROIT DES SOCIETES / Action ut singuli
PROCEDURE (DIVERS) / Communication de pièces

Sommaire : Action ut singuli d’un actionnaire contre le dirigeant d’un groupe dont la filiale a fait l’objet de redressements fiscaux pour lesquels une transaction a eu lieu - Invocation du secret des affaires sur le contenu de la transaction dont la communication est demandée. 

La société A, société faîtière d’un grand groupe international, cotée au CAC 40, a des filiales françaises qui se sont vu notifier des redressements fiscaux ; le groupe a alors négocié des « règlements d’ensemble », (c’est-à-dire des transactions).

M. X, actionnaire de A, a alors assigné M. Y, président de cette dernière, sur le fondement de l’action ut singuli, en lui reprochant d’avoir commis une faute de gestion pour avoir fait supporter à A les conséquences financières des transactions.

M. Y et A soulèvent d’abord le défaut de qualité et d’intérêt à agir de M. X. Ils soutiennent ensuite que l’acceptation des redressements ne démontre pas l’existence d’une fraude et enfin ils font valoir que les « règlements d’ensemble » sont couverts par le secret des affaires. 

Uniquement saisi à ce stade de demandes de communications de pièces, le tribunal a dû, pour pouvoir y répondre, examiner avant dire droit leur utilité et la possibilité de les communiquer afin de statuer sur la recevabilité de l’action et sur le fond.

  1. Sur la qualité à agir ut singuli de M. X à l’encontre de M. Y :
    M. X soutient que A a accepté de supporter l’impact financier des transactions conclues par ses filiales parce qu’un contrôle avait fait ressortir une fraude fiscale, constitutive d’une faute de gestion de M. Y.
    Le tribunal rappelle qu’il est constant que l’actionnaire d’une société mère n’a pas qualité à agir à l’encontre de son dirigeant pour des fautes de gestion de ses filiales.
    Mais M. X fonde son action sur la faute qu’aurait commise M. Y en acceptant que la maison mère A supporte le montant des transactions des filiales.
    En conséquence, M. X, en sa qualité d’actionnaire de A, a qualité à agir contre M. Y, le président de cette dernière.
  2. Sur l’intérêt à agir :
    Le tribunal relève que, si ce sont les filiales qui ont supporté l’impact financier de l’accord, M. X est dépourvu d’intérêt à agir mais pas si c’est A.
    Le tribunal constate que « sa décision à intervenir sur l’intérêt à agir de M. X est fonction de l’entité qui a supporté l’impact financier de la transaction » et qu’il dispose désormais des documents nécessaires pour se prononcer sur ce point.
  3. Sur les documents nécessaires pour déterminer l’existence d’une faute de gestion :
    Au soutien de ses demandes, M. X prétend que A, qui savait être en situation d’évasion fiscale, a renoncé aux procédures amiables qui lui auraient permis d’éviter une double imposition. Il précise que l’absence de pénalités ne signifie rien car l’administration peut intégrer celles-ci dans le montant de la transaction. Il demande donc la communication des transactions pour savoir s’il y a eu fraude afin d’apprécier s’il y a eu faute de gestion de M. Y.
    Le tribunal relève tout d’abord que, la responsabilité de M. Y ne pouvant être engagée qu’en cas de manquement de A à ses obligations légales, il doit donc examiner en premier lieu l’existence ou non de tels manquements.
    Le tribunal indique que la décision de conclure avec l’administration des transactions, impliquant renonciation aux procédures amiables de nature à éviter une double imposition, relève de la gestion de l’entreprise que le tribunal n’a pas à apprécier.
    Mais par contre, si le choix de la transaction résultait de la gravité de faits ayant conduit aux redressements, il en découlerait que ce choix est la conséquence de manquements tels de l’entreprise qu’il s’en infèrerait une faute de gestion de M. Y.
    En conséquence le tribunal estime avoir besoin des « règlements d’ensemble ».
  4. Sur le secret des affaires opposables à la communication des « règlements d’ensemble » :
    Le tribunal relève que lesdits règlements sont des accords transactionnels entre deux parties qui, comme tout accord, peuvent être confidentiels et rappelle les critères de l’article L.151-1 du code de commerce, relatif à la protection du secret des affaires.
    Le tribunal constate que lesdits règlements correspondent à ces critères : ils ne sont ni connus ni aisément accessibles par des tiers et leur valeur commerciale, du fait de leur caractère secret, résulte de ce qu’ils comprennent une description de la méthode de fixation des prix de transfert.
    En outre l’administration fiscale n’a pas souhaité les rendre publics.
    En conséquence le tribunal dit que ces « règlements d’ensemble » sont couverts par le secret des affaires, notamment pour ce qui relève de la méthode de fixation des prix de transfert dont découle la répartition des profits entre les différentes filiales.
  5. Sur la production de pièces dont certains éléments sont couverts par le secret :
    Le tribunal constate que A lui a, comme il le lui avait demandé, communiqué des résumés des « règlements d’ensemble », résumés qui comportent les éléments relatifs à d’éventuels manquements des filiales redressées mais qu’ils ne contiennent pas d’informations relatives à la méthode de fixation des prix de transfert et au partage des bénéfices.
    Le tribunal dit qu’il « ressort de l’examen des résumés produits par A au tribunal, non couverts par le secret des affaires, qu’ils sont nécessaires et suffisants pour statuer sur le litige » et en conséquence il ordonne à cette dernière de les communiquer à M. X.
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