M. X c/ SAS ARES & COMPANY FRANCE RG 2022 035 113 - jugement du 12 janvier 2024 (16ème chambre)
Mots-clés :
IRRECEVABILITE / Prescription et forclusion
DROIT DES SOCIETES / Annulation de décisions sociales – Assemblées générales – Exclusion d’un associé
Sommaire :
SAS : Prescription relative à une augmentation de capital et à la suppression du DPS – Délai de convocation de l’AG – Qualité d’associé des participants à l’AG – Exclusion d’un associé – Annulation d’AG ou de décisions d’AG
M. X était associé de la SAS ARES & COMPANY FRANCE, dont il détenait 18 % aux côtés des deux fondateurs.
Le 2 juillet 2019, une augmentation de capital réservée est votée en AG, qui permet l’entrée d’un nouvel associé, la société BEN CONSULTING.
Lors d’une AG suivante, en décembre 2019, la clause d’exclusion statutaire qui requérait l’unanimité des associés est modifiée, permettant l’exclusion à la majorité des 2/3 et, en février 2020, une nouvelle assemblée décide l’exclusion de M. X.
C’est pour contester les décisions de ces trois assemblées que M. X saisit le tribunal le 4 juillet 2022.
L’affaire soulève cinq questions différentes.
- Les défendeurs soutiennent que l’action relative à la première des trois assemblées était prescrite. M. X répond qu’il convient de reporter le point de départ de la prescription à la date de publication au RCS du procès-verbal de l’assemblée, date à laquelle la décision de l’AG a été officiellement connue.
Réponse du tribunal : ce report du point de départ ne peut être retenu puisque M. X avait participé à l’assemblée querellée, avait même pris part au vote et qu’il avait donc immédiatement connu la décision de l’assemblée. Celle-ci s’étant tenue le 2 juillet 2019, tant la prescription de trois mois relative à l’augmentation de capital que la prescription triennale relative à la suppression du DPS étaient acquises le 2 juillet 2022. L’instance ayant été introduite le 4 juillet 2022, la demande relative à l’assemblée générale du 2 juillet 2019 est donc irrecevable. - M. X affirme que les assemblées du 10 décembre 2019 et du 28 février 2020 étaient irrégulières pour non-respect du délai de convocation.
Réponse du tribunal : pour les SAS, ce sont les statuts qui fixent le délai de convocation. En l’espèce, les statuts d’ARES stipulent que la convocation doit être EXPEDIEE « sous pli ordinaire ou recommandé, ou par télécopie ou par voie électronique 10 jours au moins avant la réunion ». Or, la convocation à l’assemblée du 10 décembre 2019 a été adressée à M. X par courriel du 28 novembre 2019 et à celle du 28 février 2020 par lettre recommandée du 14 février 2020. Ces deux assemblées ont donc été régulièrement convoquées. - Pour M. X, les décisions de ces deux assemblées étaient irrégulières parce qu’avait participé au vote BEN CONSULTING, dont il conteste la qualité d’associé.
Réponse du tribunal :la qualité d’associé de BEN CONSULTING, acquise lors de l’assemblée du 2 juillet 2019, ne peut plus être contestée aujourd’hui en raison de la prescription évoquée ci-dessus. - M. X affirme encore que l’introduction ou la modification d’une clause d’exclusion requiert l’unanimité des associés, que la modification votée malgré son opposition le 10 décembre 2019 est donc nulle et que, la clause statutaire initiale exigeant l’unanimité pour décider de l’exclusion d’un associé, son exclusion doit également être annulée puisqu’il s’était, bien entendu, opposé à son exclusion.
Réponse du tribunal : la règle de l’unanimité qui s’imposait pour introduire ou modifier une clause d’exclusion dans les statuts d’une SAS a été modifiée par une loi du 19 juillet 2019 entrée en vigueur le 21 juillet 2019 et « une clause statutaire d’exclusion d’un associé » peut désormais être « adoptée ou modifiée sans recueillir l’unanimité des associés » (article L. 227-19 du code de commerce) mais avec la majorité requise par les statuts pour leur modification. De plus, ces nouvelles dispositions, « applicables aux SAS créées antérieurement à la loi du 19 juillet 2019, aussi bien qu’aux nouvelles, » ont été déclarées conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel en date du 9 décembre 2022.
L’exclusion de M. X, décidée à une majorité supérieure aux 2/3, était donc régulière. - M. X prétend enfin que son exclusion, prononcée le 28 février 2020, était dénuée de tout fondement.
Réponse du tribunal : Ce sont les statuts de la société qui déterminent les motifs d’exclusion d’un associé. En l’espèce, les statuts d’ARES prévoient que « l’exercice d’une activité concurrente de celle de la société constitue une clause d’exclusion d’un associé ». Or, peu important un certain nombre de griefs objets de débat entre les parties, M. X n’a pas contesté exercer une activité concurrente de celle d’ARES. L’exclusion était donc fondée.