M. X et SARL X CONSTRUCTION contre SASU MIKIT France RG 2022005570 - Jugement du 06/12/2023 - 19ème chambre
Mots-clés
DISTRIBUTION ET FRANCHISE / Contrats de franchise
Sommaire
Comptes d’exploitation prévisionnels non obligatoires dans le document d’information précontractuelle (DIP). Si elles sont fournies, ces prévisions peuvent différer de la réalité de l’exploitation mais dans des proportions acceptables. Nullité du contrat de franchise pour dol.
Evaluation du préjudice causé par le dol.
MIKIT France commercialise, au travers de contrats de franchise, un concept de construction de maisons individuelles en « prêt à finir ». M. X et la société X CONSTRUCTION signent le 12 juin 2019 un contrat de franchise d’une durée de 7 ans avec MIKIT France pour l’exploitation d’une agence sous enseigne MIKIT.
Le 31 mai 2021, M. X sollicite l’assistance de MIKIT pour redresser une situation difficile où le chiffre d’affaires et les résultats sont très mauvais.
Par courrier du 6 octobre 2021, MIKIT résilie le contrat de franchise pour faute grave au motif de diverses inexécutions dont des impayés d’un montant de 17 K€.
Considérant que le DIP (document d’information précontractuelle) qui leur a été remis était trompeur et avait caché la situation financière très difficile de l’exploitant précédent sur le même territoire, M. X et X CONSTRUCTION engagent la présente procédure en demandant que soit prononcée la nullité du contrat de franchise et que MIKIT soit condamnée à les indemniser de la perte de chance et du préjudice moral subi.
Les demandeurs reprochent à MIKIT de leur avoir présenté des comptes prévisionnels résolument flatteurs de nature à vicier leur consentement.
Le tribunal rappelle que la loi DOUBIN n’oblige par le franchiseur à établir pour le franchisé des comptes prévisionnels, car celui-ci est un commerçant indépendant qui doit évaluer lui-même ses risques d’entreprise, mais retient que, si le franchiseur communique des comptes prévisionnels, ceux-ci doivent présenter un caractère sérieux.
Le tribunal note, à ce propos, « que des comptes prévisionnels peuvent différer de la réalité de l’exploitation mais leur différence doit rester dans des proportions acceptables ». Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque les chiffres d’affaires des deux premiers exercices sont inférieurs de plus de 90 % aux prévisions initiales et les résultats sont négatifs alors que les prévisionnels étaient présentés comme positifs.
De même, les comptes prévisionnels diffèrent des comptes du franchisé précédent dans des proportions qui ne sont pas acceptables, puisque le chiffre d’affaires de celui-ci était inférieur de plus de 80 % aux prévisions initiales communiquées à M. X et les résultats de cette société étaient négatifs alors que les prévisionnels étaient présentés comme positifs.
MIKIT a donc engagé sa responsabilité en fournissant à X CONSTRUCTION des données erronées non significatives et a failli à son obligation de sincérité.
Le tribunal précise toutefois que le manquement à l’obligation précontractuelle de sincérité prévue à l’article L.330-3 du code de commerce n’entraîne la nullité du contrat de franchise que s’il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé, mais retient que « MIKIT en remettant ces comptes prévisionnels a induit en erreur (X CONSTRUCTION) qui n’aurait pas contracté si des éléments plus circonstanciés sur la situation réelle du marché local et la rentabilité attendue lui avaient été présentés par MIKIT.
Le consentement de M. X a ainsi été vicié par dol et le tribunal, en conséquence, prononce(ra) la nullité du contrat de franchise ». La restitution par MIKIT des redevances reçues est donc ordonnée.
Le tribunal accorde, en outre, à X CONSTRUCTION une indemnité égale à 50 % des pertes subies depuis le début de la franchise, partageant la responsabilité à 50/50 entre MIKIT et X CONTRUCTION en raison de la totale inexpérience de M. X dans le domaine immobilier.