Monsieur X et société Y contre NODYA et BI3E - RG J 2022 000 601 - jugement du 3 novembre 2023 (16ème chambre)
Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES – Cession de droits sociaux – Dividendes
Sommaire :
Force obligatoire du contrat - Distribution de dividendes préalable à une cession de société – Licéité d’une telle distribution en dehors de l’assemblée générale ordinaire approuvant les comptes de l’exercice
Le 30 septembre 2019, Monsieur X, à titre personnel, et sa holding Y avaient conclu un accord pour la cession de la société BI3E, qu’il avait créée, à la société NODYA.
Le contrat prévoyait une cession des actions en deux temps : 55% immédiatement et le solde à terme. Le prix de cession convenu pour la première tranche faisait l’objet d’un crédit vendeur et était payable de façon échelonnée sur trois ans. En outre, le contrat prévoyait le remboursement par BI3E des comptes courants existants sous réserve d’une trésorerie suffisante et la distribution, avant la cession, de dividendes exceptionnels pris sur les réserves.
NODYA et BI3E n’ayant réglé que très partiellement ce qui était convenu, Monsieur X les assigne en exécution forcée.
- Les défendeurs prétendent qu’un accord avait été trouvé pour réduire le prix de cession, mais n’en produisent aucune preuve. Les demandeurs reconnaissent bien des négociations sur le sujet, mais dénient tout accord. Le prix de cession étant ferme et définitif aux termes du contrat de cession, le tribunal ordonne à NODYA de régler le solde impayé.
- S’agissant des comptes courants, le tribunal relève que l’accord des parties avait uniquement conditionné ce remboursement à l’existence d’une trésorerie suffisante chez BI3E. Il constate que les comptes arrêtés par les défendeurs eux-mêmes à la fin de l’année 2019 faisaient apparaître une trésorerie disponible qui permettait très largement le remboursement de la totalité des comptes courants et condamne BI3E à les rembourser.
- Les parties s’opposaient enfin sur le versement du dividende exceptionnel, les défendeurs soutenant qu’un tel dividende était illicite, seul pouvant être versé, en dehors de l’assemblée générale annuelle approuvant les comptes, un acompte sur dividendes au titre de l’exercice en cours, conformément à l’article L 232-12 du code de commerce, ce qui exige que des comptes provisoires aient été arrêtés et certifiés par le commissaire aux comptes, procédure qui n’avait aucunement été respectée. Contrairement à l’affirmation des défendeurs, le tribunal rappelle que le versement d'un dividende exceptionnel, pris sur les réserves, est régi par l'article L 232-11 (et non pas L 232-12) du code de commerce, qui dispose en son alinéa 2 que « l'assemblée générale peut décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la disposition. En ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Toutefois, les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l'exercice », et ne restreint aucunement cette possibilité à la seule AGO annuelle. Le tribunal en déduit que les dividendes dont la distribution a été décidée par l’assemblée générale qui s’est tenue la veille de la cession sont parfaitement licites et condamne BI3E à les régler aux demandeurs.