PP FINANCES c/ CRCA RG 2022 012 830 - jugement du 14 décembre 2023 (6ème chambre)
Mots-clés :
GARANTIES / Cautionnement
Sommaire :
Créancier nanti et bénéficiaire d’un cautionnement – Liquidation judiciaire du débiteur – Plan de cession – Sort du nantissement – Application de l’article 2314 du code civil (décharge de la caution)
La société MONTPARNASSE 106 (Montparnasse) a acquis un fonds de commerce de restaurant. L'acquisition et les travaux ont été financés par un prêt du Crédit Agricole (CRCA) assorti du cautionnement solidaire de la société PP Finances, holding de Montparnasse, à hauteur de 1 557 k€.
En octobre 2018, la société Montparnasse a fait l’objet d’un redressement judiciaire et la créance de CRCA a été admise en totalité à titre privilégié et la caution a été appelée.
Par ailleurs, par jugement du 3 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société PP Finances, caution du prêt et la créance de CRCA au titre du cautionnement a été admise par le juge commissaire.
Toutefois, PP Finances a fait appel de la décision au motif que, dans le cadre d’un plan de cession arrêté le 27 février 2019, Montparnasse avait cédé son fonds de commerce à une société S5 et que CRCA avait omis de prendre une inscription sur le fonds de commerce désormais détenu par S5. La cour d’appel a toutefois infirmé la décision du juge commissaire, en rappelant qu’il n’est pas dans les pouvoirs du juge commissaire de trancher une contestation et que celle-ci devait être soumise au juge du fond.
C’est la raison pour laquelle PP Finances a saisi le tribunal.
PP Finances estimait qu’elle devait être déchargée de son cautionnement en vertu de l’article 2314 du code civil1 puisque CRCA, en ayant omis d’inscrire son nantissement sur le fonds de commerce qui avait été transféré de Montparnasse à S5, lui avait fait perdre le bénéfice de la subrogation dans ce nantissement.
Le tribunal relève cependant, que, conformément à l’article L 642-12 alinéa 4 du code de commerce, « la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire » et en conclut que le nantissement querellé n’a pas disparu. Il constate, au contraire, que le nantissement était inscrit jusqu’à 2026, soit postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde au bénéfice de PP Finances.
A titre surabondant, même à supposer que le nantissement ait été perdu, encore faudrait-il que PP Finances prouve le préjudice qui en résulte pour elle. Or, elle « ne caractérise, ni encore moins ne quantifie, le préjudice qu’elle subirait du fait de l’abstention de CRCA qu’elle invoque ».
C’est pourquoi le tribunal déboute PP Finances de sa demande et fixe la créance de CRCA au passif.
[1] Article 2314 du code civil (dans sa version actuelle codifiant la jurisprudence antérieure)
Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit….