LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
1 quai de la Corse
75004 Paris
N°TVA :

SA SELCODIS, liquidateur Ste EDA, M.X c/ NATIXIS, CEGC, BRED… RG J 2021 000 171- jugement du 30 novembre 2023 (6ème chambre)

Mots-clés :
PROCEDURE / Communication de pièces

Sommaire : refus d’un crédit - demande de production forcée des documents internes des défenderesses justifiant ledit refus 

La SA EDA et sa maison-mère la SA SELCODIS, ainsi que d’autres filiales de cette dernière, disposaient de lignes de crédit à la BRED ; le dirigeant de ces deux sociétés M. X se trouvait en conflit avec NATIXIS, filiale de la BPCE comme la BRED. 

EDA, ayant des difficultés financières, a obtenu dans le cadre d’un mandat ad hoc l’établissement d’un plan financier permettant son redressement ; ledit plan supposait une émission obligataire pour laquelle elle avait demandé une garantie à la CEGC, société de caution, filiale de Natixis ; cette garantie lui a été refusée par deux fois et simultanément les lignes de crédit de toutes les sociétés du groupe de M. X ont été coupées provoquant leurs dépôts de bilan, suivis de la liquidation d’EDA.

M. X, EDA et la SELCODIS, ainsi que les filiales de celles-ci, ont alors assigné Natixis, BRED et CEGC pour répondre des faits d’entente et être condamnées au paiement notamment du passif exigible de SELCODIS et de l’insuffisance d’actifs de EDA. 

Au cours de la procédure devant ce tribunal, les demanderesses ont par une sommation demandé les raisons pour lesquelles la garantie avait été refusée et il leur fut répondu que c’était en raison de la fragilité financière d’EDA.

Ayant entendu un responsable du groupe bancaire faire état d’un document intitulé « Watch list », elles ont alors déposé une sommation à Natixis de leur communiquer ladite « Watch list » (liste de clients à risque) qui aurait circulé au sein du groupe BPCE et qui serait, selon elles, à l’origine du refus de garantie et de la rupture des lignes de crédit de toutes les sociétés de M. X.

Natixis ayant répondu qu’elle n’était pas en mesure de le faire, les demanderesses ont alors demandé au tribunal d’ordonner la production de la « Watch List ».

Les demanderesses se fondent sur les articles 138, 139 et 142 du CPC (« si une partie entend faire état d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge d’en ordonner la délivrance ») et soulignent que ce document leur sera utile pour montrer que le refus de garantie et la suppression des concours bancaires des sociétés du groupe de M. X ne sont en réalité motivés que par le conflit entre ce dernier et Natixis.

Les défenderesses ont répliqué qu’il n’est pas démontré qu’elles détiennent un document de ce type, que CEGC, Natixis et Bred appartenant à un même groupe bancaire sont fondées à se concerter, que le défaut d’octroi de la garantie est sans lien avec la déconfiture de EDA et qu’il y a une carence manifeste des demanderesses dans la démonstration de ce qu’elles allèguent.

Le tribunal a indiqué que « la demande de production forcée d’une pièce n’est fondée que si les conditions suivantes sont remplies :

               -il existe un motif légitime d’obtenir la pièce,

               -la demande est utile à la solution du litige,

               -elle porte sur une pièce dont l’existence est établie avec vraisemblance,

               -la partie qui sollicite la production doit prouver que le détenteur la possède (la charge de la preuve étant inversée lorsque la loi l’oblige à la détenir) ».

Le tribunal a ensuite constaté que les banques n’avaient pas d’obligations légales de tenir des « watch list » ; puis il a relevé que l’échange d’informations à l’intérieur d’un même groupe bancaire ne portait pas atteinte à la législation sur les ententes ; enfin il a dit que les demanderesses n’ont pas démontré que les entités du groupe BPCE détenaient des « watch list » , ni surtout que le refus de l’octroi de la garantie n’était pas motivé par des éléments objectifs tenant à la situation financière d’EDA. Au contraire, il a constaté qu’EDA, ayant fait appel du refus de garantie, a reçu la réponse suivante : « la société n’est pas capable de payer ses échéances courantes et les engagements pris à notre égard n’ont pas été tenus . Pour notre établissement ce dossier est contentieux et ne peut donc plus faire l’objet de nouveaux engagements.».

Le tribunal en a déduit que la décision de la CEGC de ne pas octroyer la garantie résultait d’une analyse objective de risque et qu’il n’était pas établi qu’elle aurait résulté de la seule exploitation d’une watch list dont, au surplus, l’existence n’avait pas été démontrée ; que, s’il est légitime qu’EDA demande des explications sur le refus de la garantie, il ne l’est pas qu’EDA interroge ses banquiers sur le processus de la prise de décisions qui est sous la surveillance exclusive de l’autorité de tutelle.

En conséquence devant la carence probatoire des demanderesses, le tribunal les a déboutées de leurs demandes.

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