LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
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SARL AGECO H et AGECO H1, MM. A et B c/ SAS BELIVE et MM. C et D RG 2021020128 - Jugement du 18 janvier 2024 – 4ème chambre

Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES / Dirigeants sociaux - Annulation de décisions sociales - Pacte d’associés

Sommaire 

Révocation de mandataires sociaux – Annulation de décisions d’AG d’une SAS pour violation des statuts - Prévalence des statuts d’une SAS sur les stipulations d’un pacte entre tous les associés – Sanction d’un manquement au pacte.

Les faits

Le capital de la SAS BELIVE est réparti entre les fondateurs (dont AGECO H, ci-après « AGH », et AGECO H1, ci-après « AGH1 », sociétés personnelles de Messieurs A et B), des investisseurs et d’autres associés. Un pacte a été conclu entre eux en 2019, qui désigne AGH comme président de la société, assisté de trois directeurs généraux, AGH1 et MM. C et D. Le pacte institue également un comité stratégique, présidé par Monsieur A, Monsieur B étant vice-président.

Le 15 janvier 2021, le comité stratégique vote la révocation de M. A et de M. B de leurs fonctions respectives au sein du comité et la mise à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de la révocation des mandats sociaux de AGH et de AGH1.

Le 8 février 2021, l’assemblée générale prononce ces révocations et nomme M. C à la présidence.

Les dirigeants révoqués assignent alors BELIVE et les autres associés.

Les demandes

Les dirigeants révoqués demandent au tribunal de prononcer la nullité des décisions suivantes :

  • Révocation de MM. A et B de leurs fonctions au sein du comité stratégique,
  • Autorisation donnée par le comité stratégique de révoquer AGH et AGH1 de leurs mandats sociaux,
  • Révocation par l’assemblée générale desdits mandats,
  • Désignation de M. C comme président en remplacement de AGH,

et de condamner solidairement les défendeurs à payer des dommages-intérêts à M. A et à M. B, ainsi qu’aux sociétés AGH et AGH1.

Décisions

Rejet de toutes les demandes.

Motivation

Régularité de la révocation des mandats sociaux

La nullité d’actes ou de délibérations pris par les organes d’une société commerciale ne peut résulter que de la violation des dispositions impératives du Livre II du Code de commerce (article L235-1 dudit code). Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, dans une SAS, la nullité d’une délibération peut résulter de la violation de clauses statutaires si cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.

En l’occurrence, les statuts prévoient que la révocation du Président ou du DG est une «Décision ordinaire» de la seule compétence de la collectivité des associés statuant à la majorité simple (ce qui a bien été le cas : 935 votes contre 603).

Les demandeurs soutiennent, cependant, la nullité des décisions de révocation des mandataires sociaux en raison de la violation des stipulations du pacte d’associés (qui prévoient que ni le président ni le directeur général ne peuvent être révoqués si MM. A et B s’y opposent tous deux). L’article 1 du pacte stipule, certes, que le pacte régularisé entre les associés «complète les statuts», mais «complète» ne signifie pas «déroge». Les statuts prévalent sur le pacte d'associés. Les décisions de révocation ont bien été prises selon les modalités prévues par les statuts, seule référence valable pour une SAS.

Les demandeurs échouent donc à démontrer la nullité des révocations du président et du directeur général de la SAS.

Régularité des révocations au sein du Comité stratégique

Le pacte d'associés prévoit que les décisions ordinaires (dont les désignations aux fonctions au sein du comité stratégique) sont prises à la majorité simple des membres, ce qui a été le cas le 15 janvier  : 6 voix contre 2.

Les décisions de révocation de leurs fonctions du président et du vice-président du Comité stratégique sont donc régulières.

Autorisation de révocation des mandats sociaux

L’autorisation de révocation de mandats sociaux de la SAS est une «Décision importante» (article 14-e du pacte) qui ne peut être prise contre l’avis de MM. A et B ensemble. Or, le vote du comité stratégique a été comptabilisé à la majorité simple des membres présents, sans tenir compte de ce qui précède.

L’autorisation de révocation des mandats sociaux de la SAS a donc été donnée par le comité stratégique en violation des stipulations du pacte d'associés et cette violation doit être sanctionnée, ce qui fait l’objet des deux paragraphes suivants.

Demande de nullité

La clause (14-g) du pacte, intitulée «Conséquences d’une Décision importante prise sans l’accord favorable du Comité stratégique», donne aux investisseurs la faculté d’exercer un droit de rachat de leurs actions. Inopérante au cas d’espèce, cette stipulation montre que la sanction de la violation convenue entre les parties est une indemnisation et non une nullité. Le recours à la nullité n’est mentionné dans aucune autre clause du pacte.

La demande de nullité de l'autorisation de révocation des mandats sociaux de la SAS n’est donc pas fondée.

Indemnisation

En revanche, est fondée la demande d'indemnisation du préjudice résultant de la violation des règles de vote instituées pour les Décisions importantes. L’indemnisation demandée est toutefois en faveur de MM. A et B.

MM. A et B n’ont, à titre personnel, pas de mandat social au sein de la SAS. Ils ne peuvent donc avoir subi de préjudice personnel.

Quant aux révocations du président et du vice-président de ce comité, elles n’ont pas été reconnues fautives.

Caractère abusif des révocations

Les demandeurs plaidaient enfin le caractère abusif de la révocation des mandats sociaux de AGH et de AGH1. Ils ne rapportent, cependant, aucune preuve du caractère abusif qu’ils allèguent : l’assemblée générale du 8 février s’est tenue avec un préavis de 15 jours, MM. A et B ont pu y exprimer leurs arguments et y faire une déclaration, annexée au procès-verbal. L’exigence de remise sous 24 h de la carte professionnelle et la suspension des messageries professionnelles résultent normalement de la révocation et cette révocation n’a fait l’objet d’aucune communication publique.

Les demandeurs échouent donc à démontrer le caractère abusif des révocations.

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