LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
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SARL WILL SEVEN c/ Sté du CENTRE COMMERCIAL de la DEFENSE RG 2022039377 – Jugement du 8 avril 2024 – 9ème chambre

Mots-clés :
CONTRATS et OBLIGATIONS / Offre acceptée
MANDAT/ Mandat apparent

Sommaire

Mandat apparent du collaborateur négociant pour sa société – Requalification d’une lettre d’intention en offre engageante - Acceptation de l’offre - Indemnité d’éviction et libération des locaux 

La société WILL SEVEN, ci-après WS, a conclu le 22 avril 2010 avec la société du CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE, ci-après CCD, un bail d’un local pour y installer un magasin pour une durée de 10 ans moyennant un droit d’entrée, un loyer fixe et variable. WS a été placée en sauvegarde en 2018 et a entamé des négociations pour réduire son loyer, ce qui a conduit CCD à lui proposer le 4 mars 2019 de résilier son bail moyennent une indemnité d’éviction pour 370 K€ et ce à condition d’avoir accepté sa proposition avant le 22 mars. WS allègue qu’elle l’aurait acceptée le 7 mars après avoir recueilli l’accord de l’administrateur judiciaire et ce sous réserve de l’accord du juge commissaire puisqu’elle était en sauvegarde ; puis elle arrêtait son activité car l’offre stipulait son départ le 31 mai 2019. Toutefois, le 16 avril 2019, CCD, alléguant de la défection du repreneur pressenti du local, faisait savoir qu’elle ne donnerait pas suite à son offre.

WS, après avoir mis en demeure CCD de signer le protocole et de lui régler l’indemnité, refusait de continuer à régler les loyers, ce qui conduisait CCD le 30 octobre à lui donner congé pour le 24 août 2020. WS a alors saisi ce tribunal en lui demandant de condamner CCD à lui payer l’indemnité d’éviction et à l’indemniser des pertes de chiffre d’affaires subies pour avoir commencé à fermer son magasin.

Cette affaire soulevait 3 questions : la proposition de CCD était-elle une offre engageante, a-t-elle été acceptée et quelles conséquences résulteraient de l’acceptation ?

1. La proposition était-elle une offre engageante pour CCD ?

CCD soutenait qu’il ne s’agissait que d’une lettre d’intention, qu’elle n’avait d’ailleurs pas signée, et que la personne qui l’avait formulée en son nom n’avait pas le pouvoir de l’engager.

Le tribunal, au vu des pièces relatives aux échanges entre les parties, dit que « WS a pu légitiment croire en la réalité des pouvoirs du collaborateur qui a conduit toute la négociation et qu’il en résultait que l’offre émise est opposable à CCD en vertu de l’article 1156 du code civil » (mandat apparent). Par ailleurs, il ne retient pas l’argument selon lequel il ne se serait agi que d’une simple lettre d’intention, comme elle était intitulée, car CCD avait écrit dans le document envoyé : « la validité de la présente est conditionnée à votre accord ». Après avoir rappelé que l’article 12 du CPC lui impose de requalifier sans s’arrêter à la qualification juridique que les parties ont donnée, il retient que « la lettre d’intention de CCD émise le 4 mars 2019 est une offre et que celle-ci engage cette dernière. ».

2. L’offre a-t-elle été acceptée par WS ?

WS rappelle que l’administrateur judicaire avait fait savoir oralement à CCD dès le 5 mars qu’il était favorable à l’opération et que, le 7 mars, WS confirmait par écrit son acceptation de l’offre sous réserve de l’accord du juge commissaire. Or, sans attendre un rendez-vous qui avait été fixé avec ce dernier quelques jours plus tard, CCD retirait son offre le 16 avril. 

Le tribunal observe que cette dernière ne pouvait ignorer que, sous le régime de la sauvegarde, WS devait obtenir l’accord du juge commissaire mais que, pour autant, le gérant peut engager la société. Il relève, par ailleurs, que l’administrateur judiciaire atteste qu’il avait rencontré avec WS le juge commissaire le 19 mars et que ce dernier avait donné oralement un avis favorable à l’opération.

Il en conclut que « l’offre engageante a donc été acceptée avant l’expiration du délai de validité fixé au 22 mars, que ladite offre forme contrat entre les parties, que le bail a été résilié à effet du 31 mai 2019 et que l’indemnité d’éviction de 370 K€ constitue une créance certaine, liquide et exigible ».

3. Conséquence de l’acceptation de l’offre et du non-paiement de l’indemnité 

WS allègue que, CCD n’ayant pas réglé l’indemnité d’éviction, elle est restée dans les locaux jusqu’au 20 décembre 2022 mais que, ayant vendu son stock à la suite de la signature de l’offre, elle a fonctionné dans des conditions très dégradées qui ont affecté son chiffre d’affaires et sa marge. 

Le tribunal rappelle que, si en vertu de l’article L.145-28 du code de commerce WS avait bien eu le droit de se maintenir dans les locaux jusqu’à perception de l’indemnité d’éviction, elle devait cependant une indemnité d’occupation, qu’il fixe, conformément à l’article précité, en fonction des valeurs locatives du marché. Enfin, le juge retient que WS a subi un préjudice par la faute de CCD du fait d’avoir été forcée de continuer dans des conditions dégradées une activité qu’elle avait décidé d’arrêter, préjudice consistant en une perte d’exploitation. Toutefois, il observe qu’à partir de mars 2020 le Covid a modifié les conditions d’exercice de l’activité de WS et il use de son pouvoir d’appréciation pour fixer le montant des dommages et intérêts à attribuer à WS.

Article 1156 du code civil : «l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté sauf si le tiers contractant a légitiment cru en la réalité des pouvoirs du représentant en raison de son comportement ou de ses déclarations ».

Article L.145-28 du code du commerce : « aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les locaux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois l’indemnité d’occupation est déterminée selon les alinéas 6 et 7… ».

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