SAS A c/ SAS B et M. X RG 2022040370 - jugement du 17 novembre 2023 – 16ème chambre
Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES / Pactes d’associés
CONTRATS ET OBLIGATIONS / Clause pénale – Inexécution
PROCEDURE (DIVERS) / Médiation
Sommaire :
Demande de médiation – Inexécution d’un engagement de non-débauchage – Complicité de la société employant les salariés débauchés – Clause pénale
Directeur général délégué et actionnaire de la SAS A, Monsieur X avait, dans le cadre d’un pacte d’associés, pris, vis-à-vis des autres actionnaires et de la société, un engagement de non-débauchage du personnel et de non-sollicitation de clientèle en cas de départ de la société.
Ayant quitté la société A en 2021, M. X créait sa propre société, la SAS B, en décembre 2021 et était rejoint le mois suivant par deux de ses anciens collaborateurs, qui étaient aussitôt associés au capital, puis nommés mandataires sociaux.
Considérant qu’il y avait eu violation de l’engagement de non-débauchage, la société A assignait à la fois M. X et sa société B, en demandant leur condamnation solidaire pour débauchage.
En réponse, les défendeurs sollicitaient une médiation et demandaient, à défaut, la nullité de la clause de non-débauchage.
Sur la médiation
Compte tenu de l’opposition de la demanderesse à toute médiation ou conciliation, le tribunal rejette les demandes des défendeurs, constatant que le désaccord des parties ne permet pas d’ordonner une médiation et estimant qu’il serait totalement inutile d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, dans le sens de l’article 127-1 CPC.
Sur la validité de la clause de non-débauchage
Les défendeurs soutiennent que la clause de non-débauchage et de non-sollicitation de clientèle est nulle car il s’agit, en réalité, d’une clause de non-concurrence non limitée géographiquement.
Pour le tribunal, la clause de non-débauchage, « unique objet du présent litige (à l’exclusion de la non-sollicitation de clientèle) n’est pas une clause de non-concurrence et n’est donc pas soumise à une limitation dans le temps et dans l’espace ».
Pour autant, poursuit le juge, en ce qu’elle « porte atteinte à la liberté du travail et à celle d’entreprendre », elle doit « être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ».
Relevant que cette proportionnalité existait en l’espèce, le tribunal retient la validité de la clause.
Sur la condamnation de la société B
Pour les défendeurs, la société B est étrangère à l’engagement de non-débauchage et ne saurait, en raison de l’effet relatif des contrats, être condamnée à ce titre.
Le tribunal retient, cependant, que, selon l’article 1200 du code civil, la société B « devait, nonobstant sa qualité de tiers au contrat, respecter la clause de non-débauchage » qu’elle ne pouvait ignorer puisque c’est M. X, son propre président, par lequel elle est représentée, qui l’avait personnellement acceptée.
Le tribunal la condamne donc in solidum pour complicité et, constatant, à l’examen des faits de l’espèce, qu’il y avait eu manquement de M. X à son engagement, en conclut que M. X est tenu d’indemniser la société A.
Sur le quantum du préjudice et la clause pénale
Pour la demanderesse, les défendeurs doivent être condamnés à lui payer la somme de 100 K€, stipulée au pacte d’associés (50 K€ par infraction), pour ce manquement.
Le tribunal relève, cependant, qu’il s’agit là d’une « clause pénale, par laquelle les parties sont convenues d’évaluer forfaitairement…. l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution… ».
Malgré la question posée à l’audience, la demanderesse ne fait état du moindre préjudice résultant du débauchage. C’est pourquoi, jugeant la pénalité manifestement excessive, le tribunal la réduit à 1 € symbolique.