SAS BIG MAMMA et autres c/ DALMATAGROUP RG 2022026328 – jugement du 19 février 2024, 15ème chambre
Mots-clés :
CONCURRENCE / Concurrence déloyale
Sommaire :
Pas de concurrence déloyale et parasitaire si les signes distinctifs et éléments de communication prétendument imités n’ont rien d’original et ne sont pas même communs à tous les établissements du réseau prétendument imité.
Neuf sociétés, réunies sous le concept « BIG MAMMA », exploitent des restaurants de type italien à Paris. La SAS DALMATAGROUP, ci-après DALMATA, exploite deux restaurants italiens, le « Dalmata » depuis 2017, puis le « Giorgio » depuis 2021. Un premier différend a déjà opposé les parties : BIG MAMMA reprochait à DALMATA des actes de concurrence déloyale, litige qui a été résolu par un protocole signé en 2018.
Dans cette seconde instance, BIG MAMMA soutient que, avec son nouveau restaurant le « Giorgio », DALMATA se rend à nouveau coupable des mêmes actes de concurrence déloyale et parasitaire en violation du protocole de 2018.
Selon BIG MAMMA, le style « Big Mamma » est un véritable concept (authenticité, qualité des produits, décoration végétale, vaisselle, communication), dont la notoriété est incontestable. Les demanderesses reprochent à DALMATA de reprendre leurs éléments distinctifs, leurs éléments de communication, de ne rien faire pour éviter les risques de confusion, alors que DALMATA s’était engagée, dans le protocole, à faire ses meilleurs efforts pour les éviter.
Elles demandent au tribunal d’interdire à DALMATA de poursuivre ses agissements consistant à reproduire ou imiter l’agencement, la décoration et les éléments distinctifs des restaurants BIG MAMMA ; elles demandent, en particulier, le remplacement de toute la vaisselle dans les restaurants DALMATA, la modification du mode de présentation des cafés, le retrait de toutes photographies, vidéos ou publications où apparaissent la vaisselle ou les planches à café litigieuses, la modification du menu en ligne du restaurant GIORGIO, qui reprend l’intégralité de l’interface des menus BIG MAMMA, des éléments floraux qui décorent le restaurant GIORGIO, le retrait sous astreinte de toutes publications et photographies de « communication » telles qu’identifiées sur les réseaux sociaux, imitant la communication BIG MAMMA. Elles demandent la condamnation à dommages-intérêts et la publication du jugement.
Sur le risque de confusion
Le tribunal relève que les restaurants BIG MAMMA sont tous différents sur des éléments essentiels comme la vaisselle, la décoration, les meubles, les couleurs ou les menus, mais que BIG MAMMA revendique avoir été le premier à créer une atmosphère nouvelle autour d’un concept de « restaurant chic, tout en ayant des prix abordables », décliné sur neuf restaurants distincts en s’inspirant d’un grand nombre de codes identiques.
Sur la vaisselle, le tribunal relève que certains articles de presse produits par BIG MAMMA qualifient la vaisselle du GIORGIO comme « de sympathiques assiettes dans l’esprit de Big Mamma », mais qu’un « esprit » ne saurait créer une confusion chez le consommateur d’attention moyenne. Il déboute.
Sur les planches à café, le tribunal juge qu’il n’y a rien d’original dans la présentation des cafés de BIG MAMMA ; il déboute.
Sur la décoration végétale des façades de restaurants, le tribunal remarque que les restaurants BIG MAMMA n’en ont pas toutes et que la décoration florale est devenue depuis quelque temps un classique parisien : il déboute.
Sur les autres éléments soulevés (comptoirs en marbre, fauteuils roses, communication, livres de cuisine…), le tribunal relève que ces éléments ne se reproduisent pas à l’identique, ne présentent pas d’originalité ou ont été largement utilisés par d’autres acteurs de la communication.
Il n’y a donc aucune preuve qu’il existe un risque de confusion entre les restaurants BIG MAMMA et DALMATA.
Sur la concurrence parasitaire
BIG MAMMA soutient que DALMATA, en reprenant des éléments caractéristiques de ses restaurants, a bénéficié indûment des efforts et investissements de BIG MAMMA, s’est insérée dans son sillage, sans bourse délier. Le tribunal reprend chacun des éléments cités, mais estime que tous sont d’un usage banal et ne créent pas une valeur économique en soi. Il déboute.
Sur tous les éléments pris dans leur ensemble et le coût des investissements engagés par chacune des parties, le tribunal déboute également : aucune preuve n’est apportée de l’insertion de DALMATA dans le sillage de BIG MAMMA sans bourse délier, ni de la reprise des investissements de BIG MAMMA dans les différents domaines examinés.