SAS EVENT PRODUCTION contre SAS LE FAUST RG 2022 048 365 - jugement du 29 janvier 2024 (13ème chambre)
Mots-clés :
CONTRAT / Inexécution
Sommaire :
Inexécution d’une obligation essentielle par une partie - Non-paiement antérieur de factures par l’autre partie - Inexécution grave par chacune des deux parties d’obligations contractuelles essentielles justifiant la rupture
La SAS EVENT PRODUCTION est spécialisée dans l’organisation d’événements festifs. LE FAUST a une activité de restauration sur une péniche sur la Seine. Les deux sociétés ont conclu, en 2021, un premier contrat relatif à la privatisation de la péniche pour trois soirs par semaine pendant la période du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2023, puis, en 2022, un contrat spécifique pour une soirée exceptionnelle le mercredi 13 juillet 2022.
Mais l’actionnaire du FAUST a changé et le nouvel actionnaire, ayant constaté que sa société ne disposait pas des autorisations réglementaires permettant la tenue dans ses locaux de la manifestation organisée par EVENT, l’a informée le 13 juillet 2022, jour de la manifestation, que celle-ci ne pourrait avoir lieu. Tout en protestant, EVENT, qui était allée récupérer son matériel sonore, a saisi en référé d’heure à heure ce tribunal, qui par ordonnance a renvoyé l’affaire au fond.
Les parties s’opposaient sur la rupture des deux contrats.
Sur le contrat de 2022
EVENT demandait au tribunal d’appliquer l’article du contrat spécifique à l’événement du 13 juillet, qui stipulait que FAUST ne pourrait le résilier sauf à payer une indemnité correspondant à 80 % de son chiffre d’affaires estimé pour ladite soirée ; FAUST soutenait qu’EVENT, ayant récupéré en fin de journée son matériel sonore, avait pris ainsi l’initiative de la rupture.
Pour le tribunal, « la circonstance que la demanderesse soit venue en fin de journée récupérer son matériel, quand il lui a été annoncé par Faust quelques heures avant sa réception que celle-ci ne pourrait avoir lieu dans ses locaux, n’est que la conséquence de cette décision de Faust de refuser la tenue de la manifestation ; il en résulte que Faust a échoué à démontrer l’existence d’inexécutions graves imputables à Event ».
Le tribunal, constatant que FAUST avait pris l’initiative de la rupture, l’a condamnée à indemniser EVENT dans les conditions stipulées par le contrat.
Sur le contrat de 2021
Les locaux de FAUST ayant été ensuite fermés pendant deux mois, ce qui rendait impossible l’exécution du contrat principal de privatisations prévues pour trois soirs par semaine pendant la durée restant à courir du contrat (presque un an), EVENT demandait au tribunal de condamner FAUST à lui payer l’indemnité contractuellement prévue en cas de résiliation du contrat. FAUST répliquait, sur le fondement de l’article 1219 du code civil prévoyant qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre partie a commis une faute suffisamment grave, qu’elle était fondée à mettre un terme au contrat puisqu’EVENT n’avait pas réglé un montant important de factures anciennes.
Pour le tribunal : « la demanderesse, défaillante dans le paiement des factures pour un montant significatif, ne peut se prévaloir d’une résiliation du contrat à l’initiative et aux torts exclusif de Faust dès lors qu’elle n’a pas elle-même respecté des obligations essentielles dudit contrat ». Il en résulte qu’EVENT ne peut réclamer l’application de la clause relative à la rupture fautive dudit contrat par FAUST et ne peut donc revendiquer valablement l’indemnisation de 80 % du chiffre d’affaires estimé, stipulée par le contrat, sur la durée restant à courir.
Mais, « Faust, défaillante dans la mise à disposition des locaux, ce qui constitue une faute contractuelle grave, est tout autant illégitime à invoquer la rupture fautive du contrat aux torts exclusifs de Event ».
Les parties ne sont donc fondées ni l’une ni l’autre à réclamer l’application de la clause contractuelle stipulée en cas de résiliation fautive du contrat par l’autre partie. Le tribunal condamne en conséquence EVENT à payer ses factures impayées (toutes afférentes aux prestations antérieures à la rupture) et condamne FAUST à indemniser EVENT du préjudice effectivement subi du fait de l’interruption de ses prestations pendant quelques mois (EVENT avait pu rapidement reprendre son activité dans d’autres lieux).