SAS IDEX ENVIRONNEMENT vs SA GROUPE PIZZORNO ENVIRONNEMENT RG 2022025546 - jugement du 5/04/2024 – 16ème chambre
Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES / Autonomie de la personne morale – Exclusion d’un associé – Pactes d’associés
Sommaire :
Autonomie de la personne morale de la société mère par rapport à ses filiales – Conformité à l’intérêt social de l’exclusion d’un associé – Détermination du prix de cession des actions de l’associé exclu.
La SAS IDEX ENVIRONNEMENT, ci-après IDEX, et le groupe PIZZORNO ENVIRONNEMENT, ci-après PIZZORNO, spécialisés l’un et l’autre dans le traitement des déchets, avaient constitué une filiale commune, la SAS ZEPHIRE, dont ils détenaient respectivement 49 et 51 %, afin de traiter les déchets de l’agglomération toulonnaise dans le cadre d’une délégation de service public. PIZZORNO assurait la présidence de la filiale commune.
Les statuts et le pacte d’associés de ZEPHIRE prévoyaient l’exclusion de plein droit de tout associé de ZEPHIRE au cas où un concurrent d’un autre associé entrerait à son capital, sauf renonciation à cette exclusion par une assemblée générale de ZEPHIRE statuant à la majorité des deux tiers.
En 2021, PAPREC HOLDING, société mère du groupe PAPREC, qui exerce également son activité dans le traitement des déchets, prenait 20 % du capital de PIZZORNO. C’est pourquoi IDEX saisissait le tribunal aux fins de voir constater l’exclusion de plein droit de PIZZORNO, se voir transférer les titres de ZEPHIRE détenus par PIZZORNO et de voir désigner un expert pour en déterminer le prix.
Le litige soulevait notamment les trois points suivants :
- PAPREC HOLDING est-elle ou non un concurrent d’IDEX (autonomie des personnes morales dans un groupe de sociétés) ?
PIZZORNO soutenait qu’en raison du principe de l’autonomie des personnes morales, la société PAPREC HOLDING ne pouvait être un concurrent d’IDEX puisque c’était une holding et qu’elle n’exerçait aucune activité opérationnelle.
Le tribunal, tout en reconnaissant le principe fondamental de l’autonomie des personnes morales, rappelle cependant qu’en matière économique des exceptions y sont faites par les textes et la jurisprudence, notamment dans le domaine de la concurrence, où il est fait référence « à la notion d’entreprise, de groupe d’entreprises, et d’entités économiques bien loin de la notion de sociétés». Il constate qu’en l’espèce :- PAPREC HOLDING agit comme holding animatrice, qu’elle fournit de très nombreuses prestations à ses filiales, y compris « un support des opérations commerciales et surtout industrielles – donc spécifique aux différents métiers opérationnels de ses filiales »,
- Que ses filiales sont en concurrence directe avec IDEX ENVIRONNEMENT, les unes et les autres se trouvant fréquemment en compétition lors d’appels d’offres,
- Que les déclarations publiques du président de PAPREC HOLDING sont tout entières « orientées vers le développement des activités opérationnelles du groupe ».
- L’exclusion est-elle conforme à l’intérêt social ?
PIZZORNO soutenait que l’exclusion ne pouvait intervenir car elle serait contraire à l’intérêt social, dans la mesure où elle risquerait d’entraîner la perte de la délégation de service public, seule raison d’être de ZEPHIRE.
Le tribunal :- Rappelle que, quelles que soient les dispositions statutaires, « la décision d’exclure un associé… doit reposer sur un motif stipulé par les statuts, conforme à l’intérêt social… »,
- Relève que le contrat de délégation de service public, dont l’exécution est la seule raison d’être de ZEPHIRE, prévoit que toute modification de l’actionnariat de ZEPHIRE sera soumise à l’agrément préalable et exprès du syndicat intercommunal,
- Ajoute qu’en cas de perte de l’agrément du syndicat il y aurait un risque majeur de déconfiture de ZEPHIRE, qui serait alors sans activité,
- Constate que le syndicat n’entend pas se prononcer à titre préalable, mais ne le fera que si l’exclusion est confirmée.
- Le tribunal doit-il nommer un expert pour déterminer le prix auquel IDEX doit acquérir les actions détenues par PIZZORNO en cas d’exclusion ?
Les statuts de ZEPHIRE prévoient expressément qu’en cas de mise en œuvre de la procédure d’exclusion le prix doit être déterminé en application de l’article 1843-4 du code civil.
Ces dispositions réservant au président du tribunal de commerce la désignation de l’expert chargé de la détermination du prix, le tribunal ne fait pas droit à la demande de désignation d’IDEX, la laissant saisir le président selon la procédure accélérée au fond.