SAS SOCIETE DU FIGARO c/ divers PQR RG 2022 026 332, 2022 026 351, 2022 026 354, 2022 026 368, 2022 026 376 – jugements du 15 novembre 2023 (8ème chambre)
Mots-clés : CONTRATS ET OBLIGATIONS / Imprévision
Sommaire : Imprévision – Cumul des trois conditions prévues par l’article 1195 du code civil – Une clause d’indexation détaillée concernant les facteurs à propos desquels l’imprévision est plaidée montre que le risque de fluctuation de ces facteurs avait été accepté.
LE FIGARO fournissait depuis des années à cinq groupes de la presse quotidienne régionale (PQR) le supplément hebdomadaire TV Magazine, qui portait simplement le nom de chacun des journaux concernés au lieu de celui du FIGARO.
Les contrats qui liaient les parties étaient annuels et reconductibles tacitement pour une durée d’un an. Ils avaient tous été résiliés par les groupes de la PQR en 2021 pour effet au 31 décembre 2022. Les contrats prévoyaient une indexation du prix de vente par LE FIGARO aux quotidiens régionaux en fonction du coût des facteurs, mais elle jouait avec un an de décalage, sans régularisation pour l’année écoulée : les indices de 2022 n’auraient donc été pris en compte, si les contrats s’étaient poursuivis, que pour la facturation 2023.
Au vu de l’augmentation considérable du coût des facteurs en 2022 et de la cessation des contrats fin 2022, LE FIGARO assigne ses cocontractants pour obtenir la révision des contrats sur le fondement de l’imprévision.
Le tribunal, relevant que LE FIGARO avait exprimé dans un courriel de novembre 2021 sa volonté d’avancer, déclare tout d’abord la demande recevable, au motif qu’une tentative de négociation avait bien eu lieu entre les parties, qui n’avait pas abouti.
Rappelant que, selon l’article 1195 du code civil, la révision d’un contrat exige la réunion de trois conditions :
- Que le changement de circonstances ait été imprévisible lors de la conclusion du contrat,
- Qu’il rende son exécution excessivement onéreuse,
- Et que le cocontractant victime du changement de circonstances n’ait pas accepté d’en assumer le risque lors de la conclusion du contrat,
le tribunal examine ensuite successivement chacune de ces conditions.
- Il reconnaît l’imprévisibilité du changement de circonstances intervenu (en raison du Covid 19 et de la guerre en Ukraine), qui a entraîné des hausses considérables (principalement celle du coût du papier qui s’est élevé à plus de 80 % entre 2022 et 2021),
- Il reconnaît également l’onérosité excessive qui en résultait pour LE FIGARO, sur la base d’une attestation de son commissaire aux comptes produite par LE FIGARO,
- En revanche, sur la troisième des conditions à remplir, le tribunal relève que le contrat comprenait une clause d’indexation très détaillée, qui consistait à répercuter de façon automatique l’évolution du coût de chacun des facteurs entrant dans le prix de revient. En conséquence, il n’est pas possible de retenir que LE FIGARO n’avait pas accepté ce risque d’augmentation du coût des facteurs.
En conclusion, le tribunal rejette la demande de révision pour imprévision du FIGARO.