LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
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SNCF RÉSEAU c/ FRET SNCF RG 2022026928 - jugement du 24 octobre 2024 (4ème chambre)

Mots-clés :
IRRECEVABILITÉ / Prescription et forclusion

Sommaire :

Déraillement d’un train : point de départ du délai de prescription de l’action en réparation - suspension de la prescription. 

FRET SNCF est l’opérateur ferroviaire français qui fait circuler des trains de marchandises sur le réseau ferroviaire français appartenant à SNCF RESEAU. Les deux sociétés sont liées par une convention d’utilisation du réseau (la « CG CUI »).

Le 24 avril 2016, un wagon d'un train de marchandises transportant des véhicules automobiles de Pologne vers la France, a déraillé en gare de Modane en Savoie. Le train ayant traversé plusieurs pays, la traction avait été effectuée successivement par plusieurs opérateurs, dont, en dernier lieu, FRET SNCF en France.

Le déraillement a engendré des dégâts à l'infrastructure ferroviaire, propriété de SNCF RESEAU, ainsi qu'aux biens transportés et au matériel.

Ces derniers ayant été pris en charge par FRET SNCF, celle-ci a saisi dès le 23 mai 2016, en référé-expertise, le président du tribunal de commerce de Chambéry, qui, par ordonnance du 15 juillet 2016, a désigné un expert au contradictoire des opérateurs ferroviaires successifs et de SNCF RESEAU. Le rapport d’expertise a été déposé le 20 janvier 2021, attribuant la cause du déraillement à une roue défectueuse. 

Sur la base de ce rapport, SNCF RESEAU assigne, le 31 mai 2022, FRET SNCF devant le tribunal de commerce de Paris.

En réponse, FRET SNCF soulève l’irrecevabilité de l’action de SNCF RESEAU pour prescription et les parties échangent un certain nombre d’arguments sur le point de départ du délai de prescription et sur sa suspension. 

Sur le point de départ du délai de prescription.

SNCF RESEAU affirme n’avoir connu les éléments lui permettant d’exercer son action que lors de la remise du rapport d’expertise et revendique la date de sa remise, le 20 janvier 2021, comme point de départ.

FRET SNCF réplique que la CG CUI qui les lie prévoit expressément que la prescription commence à courir ne varietur le jour d’un accident et, subsidiairement, que SNCF RESEAU a eu connaissance des dommages aux infrastructures le jour même de l’accident.

Le tribunal : 

  • rappelle les dispositions de l'article 2224 du code civil à savoir que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer »,
  • relève que, selon l’article 2254 du code civil, « seules la durée de la prescription et ses causes de suspension ou d’interruption peuvent faire l’objet d’un aménagement contractuel, et non son point de départ » et que celui-ci peut donc être décalé à la date de connaissance des faits permettant d’agir, si elle n’est pas concomitante à l’accident,
  • mais considère que SNCF RESEAU ne peut sérieusement prétendre n’avoir connu son préjudice et son droit à réparation que lors du rapport de l’expert, alors qu’elle avait connaissance de l’accident dès sa survenance et procédait aussitôt aux réparations nécessaires aux infrastructures,
  • et fixe le point de départ de la prescription au 24 avril 2016, date de l’accident. 

Sur les causes de suspension

SNCF RESEAU soutient que la prescription a été triplement suspendue, par ses démarches amiables, par sa mise en demeure et par l’expertise.

Sur les démarches amiables et la mise en demeure, le tribunal :

  • note que les parties sont effectivement convenues, dans la CG CUI, d’une cause supplémentaire de suspension par rapport à la loi : la mise en œuvre de toute action amiable,
  • relève que SNCF RESEAU fait état, comme seule preuve d’une action amiable, de ses courriels de relance de février et mars 2021, où elle proposait un règlement amiable, 
  • ne retient pas le moyen, les courriels cités n’étant pas même versés aux débats*,
  • et rappelle, par ailleurs, qu’une mise en demeure « ne fait pas partie des actes juridiques » susceptibles d’effet sur le cours de la prescription.

Sur l’expertise, le tribunal :

  • note que SNCF RESEAU affirme que la loi prévoit la suspension du cours de la prescription durant la durée de l’expertise et que la prescription était donc suspendue jusqu’au 20 janvier 2021, date de remise du rapport d’expertise,
  • rappelle que l’article 2239 prévoit effectivement une telle suspension,
  • mais relève que, selon une jurisprudence constante, cette suspension « ne joue qu’au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé »,
  • et en conclut que SNCF RESEAU ne peut se prévaloir de cette suspension de prescription, puisque c’est à la demande de FRET SNCF que l’expertise a été ordonnée.

En l’absence de suspension, l’action de SNCF RESEAU était déjà prescrite en 2022, lorsqu’elle a introduit l’instance, et elle n’est donc pas recevable.

*N.B. : et, s’ils l’avaient été, encore aurait-il fallu qu’une démarche dans ce sens ait été engagée.

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