Société droit irlandais ECONOCOM DIGITAL c. SARL Cie de PHALSBOURG RG 2023074095 - ordonnance du 25 mars 2024
Mots-clés :
PROCEDURE (AUTRE que COMPETENCE ET IRRECEVABILITE) / divers
GARANTIES/ garanties à première demande - Cautionnement
Sommaire :
Demande de changement de juge de référé - demande de requalification d’une garantie à première demande en une caution.
La SA de droit espagnol ECONOCOM DIGITAL, ci-après EDFL, a conclu des contrats de location (financière) avec les sociétés de droit espagnol Compania de Phalsbourg et Carlotta pour des matériels de bureau ; par des actes des 18 juin et 18 novembre 2021, Cie de PHALSBOURG, ci-après Cie, s’est engagée en qualité de garante à première demande pour les deux sociétés locataires au bénéfice d’EDFL. Les deux locataires ayant cessé d’exécuter leurs obligations, EDFL les a mis en demeure, ainsi que Cie au titre de sa garantie à première demande ; devant la résistance du garant, EDFL a saisi ce tribunal en un premier référé. Le président a rendu le 19 octobre 2023 une première ordonnance conforme à la requête d’EDFL qui demandait le paiement d’une somme égale aux loyers impayés jusqu’au 1er août 2023, ordonnance qui a fait l’objet d’un appel en cours d’instruction. Puis EDFL a tenté en vain de recouvrer les loyers postérieurs. C’est dans ce contexte qu’elle saisit à nouveau le juge des référés pour obtenir une nouvelle condamnation de Cie, la garante à première demande de ses deux locataires.
1. Sur la demande de changement de juge des référés
Préalablement à l’audience, le président de ce tribunal a été sollicité par Cie pour désigner un autre délégataire, puisque, dans la précédente affaire, identique sur les loyers jusqu’au 1er août, ses moyens de défense n’ayant pas été retenus, l’affaire est actuellement pendante devant la cour d’appel. Il a répondu que « la connaissance qu’a pu avoir le juge chargé de cette affaire, d’un autre différend de même nature entre les mêmes parties n’entre pas dans les dispositions de l’article L.111-6 5° du COJ : l’instance portée devant nous est juridiquement distincte de celle pour laquelle une ordonnance a déjà été rendue et qui fait l’objet d’un appel devant la cour d’appel de Paris et donc qu’il n’y a pas lieu à remplacer le juge chargé de la présente affaire».
En conséquence, le juge chargé de ce cette affaire a dit « n’y avoir lieu à récusation et a invité la défenderesse, si elle le souhaite, à porter sa demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime devant le premier président de la cour d’appel de Paris conformément aux dispositions de l’article 344 du CPC ».
2. Sur les garanties
Cie soutient, au visa de l’article 12 du CPC, qu’il revient au tribunal de restituer leur exacte qualification aux actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination figurant dans les contrats ; qu’en l’espèce, quoique les contrats stipulent qu’elle aurait accordé au bénéfice d’EDFL une garantie à première demande, en réalité elle a simplement accepté d’être caution solidaire de ses filiales espagnoles dans les contrats de location que ses dernières ont conclus avec EDFL. En effet, l’engagement a pour unique objet la propre dette des débiteurs principaux qui sont ses deux filiales espagnoles ; or, une garantie n’est pas autonome lorsque l’engagement du garant a pour objet la propre dette du débiteur principal. De plus, EDFL n’a agi contre elle qu’à compter de la défaillance des deux sociétés espagnoles : autrement dit, le paiement par Cie de la dette était subordonné à l’existence de l’obligation principale impayée par le débiteur.
Il s’agit en tout cas d’une contestation sérieuse ne pouvant être tranchée en référé.
Le juge des référés retient que :
- Le libellé et la forme des garanties à première demande ne sont pas contestés, et que la volonté, plusieurs fois exprimée par les parties, consacre leur irrévocabilité,
- Le caractère automne de la garantie ne peut être contesté au motif que leur montant serait le même que celui du contrat sous-jacent,
- Les conditions pour que le caractère autonome des garanties à première demande soit établi à savoir :
- une stipulation de l’inopposabilité des exceptions contractuelles,
- un engagement du garant qui n’implique pas une appréciation des modalités d’exécution du contrat de base pour l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité de l’engagement du garant,
sont, en l’espèce, bien remplies.
Le juge en conclut qu’il n’y a pas lieu de retenir le caractère sérieux de la contestation, et il a constaté, avec l’évidence requise en la matière de référé, que les parties ont bien conclu des garanties à première demande émises par la défenderesse au profit de la demanderesse. En conséquence le juge des référés a fait droit aux demandes d’EDFL.