Sociétés de droit mauritanien TANIT Fishing, ARGUIN Fishing et SMPCA contre Monsieur K (instance 2021034299) et contre sociétés de droit turc ERGUN, AKGUN et EYUPOGLU (instance 2022052478) RG J2024000017 - Jugement du 18 janvier 2024 – 3ème chambre
Mots-clés :
IRRECEVABILITE / Autorité de la chose jugée
COMPETENCE / Recevabilité de l’exception
CONTRATS ET OBLIGATIONS / Clause pénale
Sommaire :
Irrecevabilité d’une exception faute d’avoir été présentée in limine litis, nécessaire identité de parties et de litige pour qu’il y ait force de chose jugée, application de la clause pénale contractuelle
Le 2 mars 2017, trois propriétaires turcs de bateaux de pêche, les sociétés ERGUN, AKGUN et EYUPOGLU, tous trois représentés par Monsieur K, signent chacun un « Contrat » avec respectivement TANIT, ARGUIN et SMPCA, trois sociétés mauritaniennes titulaires de licences de pêche délivrées par les autorités mauritaniennes. Ils mettent à disposition leurs navires respectifs pour une campagne de pêche conjointe de 21 mois en vue d’une exploitation commune des produits pêchés.
La campagne de pêche commence le 30 août 2017. Le 8 octobre 2017, Monsieur K signe un avenant avec les sociétés mauritaniennes, autorisant les navires turcs à suspendre le contrat pendant quatre mois afin de partir mener une campagne de pêche en Turquie. Le 11 décembre, les navires turcs partent. Ils ne sont jamais revenus de Turquie.
Les trois sociétés mauritaniennes assignent Monsieur K ès qualités de représentant de chaque société turque et, subsidiairement, à titre personnel, puis elles assignent en intervention forcée les trois sociétés turques, afin de se voir indemnisées en raison de la défaillance des navires turcs.
Une exception d’incompétence et une fin de non-recevoir étaient soulevées en défense.
Sur la compétence
L’exception d’incompétence était soulevée par M. K alors qu’il avait précédemment plaidé la nullité de l’assignation sans soulever l’incompétence. Le tribunal la déclare donc irrecevable en application de l’article 74 CPC, l’exception d’incompétence n’ayant pas été présentée in limine litis.
Sur la fin de non-recevoir
M. K affirmait que les demanderesses avaient déjà saisi les juridictions mauritaniennes de ce même litige et que la décision, devenue irrévocable, avait force de chose jugée.
A l’examen de l’arrêt de la cour mauritanienne produit à l’audience, le tribunal constate cependant qu’il s’agit d’une décision de référé relatif à une saisie -qui n’aurait de toute façon pas autorité de chose jugée- mais, en outre, qu’il ne s’agit pas du même litige. La fin de non-recevoir est donc rejetée.
Sur l’indemnisation
Il est constant que les bateaux de pêche turcs n’ont accompli que 103 jours de pêche (du 30 août 2017 au 10 décembre 2017), alors que les parties avaient contracté pour une durée déterminée de 21 mois. Les demanderesses doivent donc être indemnisées pour l’inexécution des contrats pendant 536 jours.
Or, les contrats stipulent expressément une indemnité journalière de 5 000 USD en cas de rupture anticipée. Faisant application de cette disposition contractuelle, le tribunal condamne donc chacune des sociétés défenderesses, in solidum avec M. K qui s’était personnellement engagé au retour des bateaux turcs pour terminer la campagne convenue, à payer à son cocontractant la contrevaleur en euros de 2,7 MUSD en réparation de son préjudice.