SODEXO PASS France, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE c/ CHRONOPOST CHRONOPOST c/TRANSEUROPE RG J 2023 000 607 - Jugement du 21 décembre 2023 - 4ème chambre
Mots-clés
CONTRATS ET OBLIGATIONS / Imprévision/ Force majeure
Sommaire
Caractéristiques d’un cas de force majeure : extériorité, imprévisibilité, irrésistibilité
SODEXO PASS France, ci-après SODEXO, assurée par ALLIANZ, a confié à CHRONOPOST la livraison de ses chèques cadeau et titres restaurants en région parisienne.
CHRONOPOST fait appel à des prestataires extérieurs pour les opérations de transport ; elle a régularisé, à ce titre, le 2 octobre 2020, un contrat-cadre d’acheminement avec TRANSEUROPE, assurée en responsabilité civile auprès d’AXA.
Le 11 décembre 2020, TRANSEUROPE, affrétée par CHRONOPOST, a pris en charge 84 colis d’une valeur déclarée par l’expéditeur de 272 217,75€ à destination du hub CHRONOPOST de Roissy. Cet envoi n’est jamais arrivé à destination, le chauffeur a fait l’objet d’un guet-apens par de faux policiers, la cargaison a été dérobée.
TRANSEUROPE, CHRONOPOST et SODEXO ont déposé plainte, l’affaire a été classée sans suite par le parquet. SODEXO a recherché à être indemnisée de son préjudice. C’est ainsi qu’est né le litige.
L’affaire soulève essentiellement la question de la force majeure. Pour SODEXO, il ne s’agit pas d’un tel cas mais d’une faute inexcusable du chauffeur qui a fait preuve d’une négligence grossière alors qu’il s’est arrêté devant une voiture munie d’un gyrophare et d’individus porteurs de brassards siglés police. A l’inverse, pour CHRONOPOST et TRANSEUROPE, le cas de force majeure est caractérisé : événement extérieur au transporteur (extériorité), que ce dernier n’a pu ni prévoir (imprévisibilité) ni surmonter (irrésistibilité).
Le tribunal rappelle l’article 1218 du code civil qui dispose que : « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit [….] ».
Le tribunal retient qu’il résulte des faits - les individus munis d’une bombe lacrymogène ont menacé le livreur et l’un a pris le volant du véhicule- « une impossibilité absolue pour le chauffeur, dont la sécurité physique était en jeu, d’agir autrement qu’il l’a fait et de surmonter l’obstacle ; que l’irrésistibilité de l’événement est ainsi caractérisée ».
Le tribunal dit que « les critères d’un cas de force majeure sont réunis, que, s’agissant d’un empêchement définitif, le contrat est résolu de plein droit, que CHRONOPOST se trouve ainsi libérée de ses obligations sans que sa responsabilité puisse être engagée ».